Une ligne orange qui longe le bord supérieur du tableau, part en vrilles. Au-dessous, un rectangle noir renonce à se clore sur lui-même en prolongeant exagérément un de ses côtés, tandis qu’une barre verte en dents de scie divague au milieu de la toile, débordée de toute part par des escadrilles de formes toutes aussi irrégulières. Intitulée The Brown Frame (2011), elle semble avoir espéré les contenir en traçant sur les bords un cadre marron. Mais c’est peine perdue : la ribambelle de motifs aux couleurs vives dépasse allègrement les limites. Cette œuvre de Shirley Jaffe est à l’image de beaucoup d’autres exposées dans la rétrospective que le Centre Pompidou consacre à l’artiste américaine, morte en 2016 : contrariant la régularité habituelle de la géométrie, elle la fait dériver, la tord, l’étire et fait du tableau une espèce de terrain vague où les formes gesticulent et se bousculent, sans jamais trembler. Car le pinceau reste ferme, les contours nets et les couleurs ne se mélangent pas. N’empêche, la composition va cahin-caha et à rebrousse-poil du sage ordonnancement cultivé par tout un pan de l’abstraction.
Discrétion et réserve
Or, c’est aussi la trajectoire de cette artiste «qui ressemble, soulignait le critique d’art Raphael Rubinstein, à une traversée dans le sens contraire de l’histoire de l’art». Le titre de l’exposition, «Une Am