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«Still Complaining Forest» d’Olaf Breuning, la gueule des bois

Remué par «la destruction de la nature et le réchauffement climatique», l’artiste suisse fait parler la forêt dans des tableaux faussement naïfs et des photographies mi-tragiques mi-ironiques.
«Leave Me Alone», Olaf Breuning (2024). (Olaf Breuning)
publié le 15 décembre 2024 à 9h04

Si les arbres pouvaient se plaindre, entendrait-on la forêt gémir ? Sensible aux états d’âme de la nature, l’artiste suisse Olaf Breuning a photographié un sous-bois duquel s’échappent des grognements en forme d’onomatopées, formées à l’aide de branchages, comme dans une bande dessinée : «GRR, OOF, HUMPH…» dit la forêt. Ce n’est pas la première fois que l’artiste se fait l’écho des végétaux. En 2009 déjà, il avait usé de ce type de mise en scène sylvestre. Pour son exposition à la galerie parisienne Semiose, «Still Complaining Forest», il se fait à nouveau porte-parole des bois : «C’est vrai que les choses ont changé en quinze ans. C’était assez potache au début, une sorte de jeu, mais aujourd’hui, il n’y a pas un jour sans que l’on en apprenne un peu plus sur la destruction de la nature et le réchauffement climatique, admet-il. Maintenant, j’ai une fille, je vois les choses autrement.» Avec le ton comique et désenchanté qui le caractérise, Olaf Breuning, qui vit à la campagne au nord de New York, témoigne de «son amour pour la nature» dans des tableaux faussement naïfs et des photographies cocasses à message.

Des motifs monochromes de feuilles vertes, de champignons rouge et violet, d’arbres en forme de cuillère, de fleurs roses s’emboitent comme des puzzles enfantins sur ses toiles. L’autodidacte a mis au point une technique de gros tampons en bois pour peindre ses tableaux : «Tout le monde s’est mis à la peinture, pourquoi pas moi ?» Satire de la peinture de paysage, ces toiles ingénues montrent la démarche volontaire, maladroite et touchante de l’artiste pour s’approprier un médium. Heureusement, Olaf Breuning n’a pas abandonné la photographie, un réservoir de formes où il s’amuse encore à «commenter le monde». Là, il s’attaque à l’hypocrisie du monde contemporain, velléitaire en termes d’écologie. Dans Leave Me Alone, quatre personnages déguisés en Yéti, façon Chewbacca le wookiee, photographiés comme les Beatles sur Abbey Road, n’ont pas l’air ravi d’être dérangés par l’objectif. Sur une autre photo (The Edge), un globe terrestre en forme de ballon gonflable penche dangereusement au bord d’un précipice : à quand la fin du monde ? Il y a une forme de tragique de cirque et de grand guignol dans l’art d’Olaf Breuning. A l’instar de ce zombie aux yeux révulsés dans une courte vidéo : c’est un génial danseur japonais, star d’Instagram, qui convulse habillé d’un costume de flammes rouges conçu par l’artiste. Le monde brûle et Olaf Breuning, le cœur serré, se consume.

«Still Complaining Forest» d’Olaf Breuning, à la galerie Semiose (75 004) jusqu’au 21 décembre.