Parti de France et de la plume d’André Breton, le surréalisme a essaimé dans le monde entier ou presque, encouragé par la puissance de l’Internationale communiste ou dispersé par la centrifugeuse de la Seconde Guerre mondiale. A l’occasion des 100 ans du Manifeste publié en 1924, Libé propose toute la semaine un tour du monde surréaliste à travers une collection d’objets, d’artistes et de pays.
Le Caire, nid d’espoir ? Le 22 décembre 1938, alors que le fascisme a refermé sa grande mâchoire sur l’Europe, un groupe d’écrivains, d’intellectuels et d’artistes, égyptiens ou étrangers, cosmopolites ou déplacés en raison de la guerre, hommes ou femmes, distribue, dans les rues du Caire – ce Caire où le futuriste Marinetti, délégué du gouvernement fasciste italien, vient de donner une conférence –, un manifeste de quatre pages intitulé «Vive l’art dégénéré !». Imprimé en français et en arabe, il s’insurge contre l’hostilité manifestée dans les pays totalitaires envers la création contemporaine. Hostilité qui prend la forme, en Allemagne nazie, de «la plus abjecte agression contre un art que des brutes galonnées promues au rang d’arbitres omniscients qualifient de “dégénéré”», une référence à l’expo du même nom, à Munich l’année précédente.
Ainsi naissait le collectif Art et Liberté, autour de la figure centrale du poète et critique Georges Henein. Né au Caire en 1914, il fut un temps proche d’André Breton dont il signa le