Au début de la guerre civile syrienne en 2011, la prison de Saidnaya fut vidée de ses détenus pour y installer des milliers d’opposants au régime. Le changement de population fut accompagné d’une augmentation très importante de la violence, notamment caractérisée par l’imposition brutale du silence complet : les mots, les chuchotements et même les bruits émis au cours de tortures devinrent passibles de peine de mort. Dans la passionnante exposition qui lui est consacrée à Besançon, Lawrence Abu Hamdan explique s’être un jour trouvé face à un ex-prisonnier de Saidnaya. Né en Jordanie en 1985, vivant aujourd’hui entre Beyrouth et Dubaï, l’artiste et enquêteur indépendant étudie différents souvenirs auditifs qui sont parfois utilisés comme preuves par des ONG devant les tribunaux.
Le voici donc devant l’ancien détenu, cherchant à reconstituer avec lui le bruit exact que pouvaient faire les portes des geôles de Saidnaya (la distance des sons des portes permettrait sans doute d’évaluer le nombre de détenus qui s’y trouvaient, information non transmise par le gouvernement). Tandis que passe l’enregistrement d’une énorme porte en métal avec effet sonore «cathédrale de Notre Dame», l’homme s’arrête net, convaincu d’avoir entendu ce son précis à Saidnaya : ce n’était pas celui des portes, assure-t-il, mais le bruit exact que faisaient les tranches de pain glissées au sol dans l’embrasure. Ecouter les nuances de ce son-là, poursuit-il, permettait aux détenus de savoir combien de tranch