Alors que l’idée de chef-d’œuvre (qu’est-ce donc qu’un chef-d’œuvre photographique ?) plonge l’esprit français dans des conjectures tortueuses, il suffit de se rendre au musée du Jeu de paume pour remettre les pendules à l’heure, grâce aux Américains : un chef-d’œuvre, c’est une œuvre du Museum of Modern Art de New York (MoMA) qui a fait l’acquisition de la collection exceptionnelle de Thomas Walther ! Pour une rentrée éblouissante, le Jeu de paume accueille 238 images réalisées dans l’entre-deux-guerres et patiemment accumulées par Walther, à partir des années 70. Membre du comité d’achat du MoMA dans les années 90, proche d’André Kertész, et bel homme au goût indéniable, le collectionneur d’origine allemande a vendu 350 images à l’institution new-yorkaise pour enrichir la nouvelle aile du musée. Contrairement à la France où les œuvres sont inaliénables, le MoMA s’est séparé de 5 000 photographies d’Eugène Atget estimées à 19 millions de dollars (16 millions d’euros) pour s’offrir la collection Walther. «La philosophie du chef d’œuvre est différente là-bas, explique l’actuel directeur du Jeu de paume et ex-conservateur pour la photographie au MoMA, Quentin Bajac. Le MoMA ne garde aucun négatif ou planche contact. Ils font entrer les œuvres au compte-gouttes, avec une culture de la pièce unique où seuls les tirages comptent.»
Riche en expérimentations
Dans une scénographie inspirée par Piet Mondrian, les tirages d’époque, de petite taille, accrochés comme des objets précieux, témoignent