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Au KMSKA d’Anvers, des tronches de vie flamandes

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Avec «Drôles de têtes», les Beaux-Arts d’Anvers s’aventurent avec finesse dans l’univers des «tronies» de Rubens ou Rembrandt, ces visages étonnants d’inconnus.
«Le Rieur» (1629-1630) de Rembrandt. (DR)
publié le 21 novembre 2023 à 1h36

En voilà une expo qui a de la gueule ! Réouvert en 2022, après onze ans de travaux, le musée royal des Beaux-Arts d’Anvers (KMSKA), propose cette année «Drôles de têtes», une exposition centrée sur le visage, avec des tableaux de maîtres : Rembrandt, Vermeer, Rubens, Bruegel, Bosch… Mais, attention, précise le conservateur Nico Van Hout, il ne s’agit pas d’une expo sur les portraits dans la peinture du XVIe et XVIIe siècle. Au pays de l’humour belge, le musée met plutôt un coup de projecteur original sur les anonymes, les tronches, les gueules tordues qui ont inspiré les peintres de l’époque. Car voici la thèse du KMSKA : il y a, dans l’histoire de l’art, une grande différence entre une tête et un portrait. Pour les peintres, à cette époque, le portrait relève d’une commande et montre une personne illustre. Il reproduit fidèlement les traits, enjolive un peu et installe la classe sociale du commanditaire. Une tête, c’est au contraire un visage anonyme, l’homme de la rue, celui que l’on met dans une foule, le faire-valoir banal ou hideux des puissants.

Pour décrire ces bouilles d’inconnus, les Flamands utilisent le mot «tronie» (que l’on traduit par trogne), «tronie» qu’ils considèrent comme un sous-genre des têtes. Car au temps de Rembrandt, les maîtres passaient d’abord par une phase d’études puis se créaient des catalogues de visages, des réservoirs de modèles, dans lesquels ils puisaient pour représenter les groupes de personnes : dans l’Assomption d’une Vierge, dans une a