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Exposition

Au musée Marmottan Monet, les sublimes temps libres de Berthe Morisot

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A Paris, une exposition met en lumière les liens techniques et fantasmatiques entre la peintre, reconnue pour ses tableaux empreints d’élégance et de finesse, et ses prédécesseurs du siècle des Lumières.
Au bal (1875) ouvre l’exposition au musée Marmottan Monet. (musée Marmottan Monet)
publié le 1er décembre 2023 à 17h44

A l’entrée, il y a le célèbre portrait d’une jeune femme aux épaules nues, avec une robe grise et blanche, quelques œillets butinant la poitrine. Elle est assise sur une banquette lie-de-vin, devant des plantes et des fleurs, comme dans une serre. Deux autres œillets, un noir et un jaune, sont posés sur la chevelure brune et remontée. Aucun collier ne vient barrer la pâleur nuancée de la chair. On voit la main gauche, gantée de blanc. Elle tient entre trois doigts, tel un archet, un grand éventail peint du XVIIIe siècle. On pense à celui, noir, que Berthe Morisot tenait dans un portrait que Manet fit d’elle. L’éventail est ici, à droite, ainsi qu’un autre, à gauche. Tous deux appartenaient à la peintre.

Le siècle de Watteau entre dans celui de Manet sur ces ailes de papier, ces parenthèses aériennes, sans qu’on sache lequel des deux salue l’autre. Pourquoi le savoir ? La jeune femme a un sourire imperceptible, des lèvres peintes, des yeux noirs, un joli nez au bout arrondi. Elle regarde vers sa droite avec cette force flottante qui, comme chez Manet, mais avec quelque chose de moins éloigné, de plus intime, installe la distance par la grâce. Un poème en prose de Mallarmé, grand ami de Berthe Morisot, imagine ce qu’on voit : «Si, attirée par un sentiment d’insolite, elle a paru, la Méditative ou la Hautaine, la Farouche, la Gaie, tant pis pour cette