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Exposition

Brancusi, l’oiseau rare à Beaubourg

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Le centre Pompidou consacre une rétrospective très réussie au génial sculpteur aux formes douces et aux courbes épurées, dont les œuvres sont présentées pour la première fois en regard avec ses archives.
«Danaïde» de Constantin Brancusi, 1913. (Centre Pompidou/Centre Pompidou)
publié le 18 avril 2024 à 16h04

C’est l’aube à Pompidou : un coq nous accueille. Il date de 1935, ne chante pas. Trois autres coqs suivent un peu plus loin, également muets, d’un gris clair, en plâtre. Par-devant, on ne voit que leurs crêtes et une patte pour chacun d’eux. Les pattes sont posées sur de petits socles ronds, trapus, de taille et de hauteur différentes. Les socles de Brancusi : des ancres, mais aussi des aires de décollage ou de lévitation. Là-haut, le gallinacé mis à nu finit en pointe, comme la cime d’un petit sapin, fin et tranchant. Le coq a quelque chose du roc, et son buste, de l’arbuste : sculpture d’hiver, à formes persistantes. De profil, on ne voit plus que les scies des crêtes et la raideur des pentes. Ce qui renvoie à la réalité n’est qu’un signe de la réalité.

Comment ça tient ? Comment le regard glisse-t-il sans déraper, sans se blesser ? On tourne d’emblée autour des sculptures comme des insectes posés sur la pointe d’une aiguille n’indiquant pas l’heure qu’on attend. Une oreille, un trou, une absence d’oreille, une dissymétrie, des œufs qui tiennent on ne sait comment, bouillant sous vide de toute éternité, ce sont là des équilibres énigmatiques, des mystères qui rayonnent et dans lesquels on n’entre pas. L’œil baigne, mais à sec, dans cette rivière imaginée ou revécue par Gabriel García Márquez dans Cent Ans de solitude, celle «dont les eaux diaphanes roulaient sur un lit de pierres polies, blanches, énormes comme des œufs préhistoriques. Le monde était si récent que