Back to France. Après six ans passés aux Etats-Unis, dont deux ans au MoMA (New York), en tant que conservateur en chef, et quatre ans au Musée d’art moderne de San Francisco (SF MoMA), Clément Chéroux revient à Paris. Il prend la direction de la Fondation Henri Cartier-Bresson et succède à François Hébel et à Agnès Sire, fondatrice de l’institution. Clément Chéroux connaît parfaitement «l’œil du siècle» puisqu’il est l’auteur d’une monographie sur Cartier-Bresson guidée par l’esthétique et le mode opératoire du «tir photographique» (Découvertes Gallimard, 2008). Le conservateur a aussi été commissaire de la grande exposition Henri Cartier-Bresson : ici et maintenant au Centre Pompidou en 2014, dix ans après la disparition du maître de «l’instant décisif». Car l’historien de l’art a déjà passé près de dix ans au Centre Pompidou, comme conservateur pour la photographie, où il est à l’origine de la nouvelle Galerie de photographies, l’espace pérenne entièrement dédié au médium. A Paris, il a aussi travaillé à la Société française de photographie, plus ancienne institution sur cet art en France, fondée en 1854…
Fin connaisseur de l’image, historien curieux et consciencieux, théoricien malin, conservateur parmi les plus doués de sa génération, il est aussi passé par une formation pratique à l’Ecole nationale supérieure de la photographie à Arles. Mais il s’est plutôt tourné vers l’histoire du médium et la transmission de sa passion que vers la réalisation d’images. Jusqu’ici, il s’est intéressé à tous les champs de la photo. On lui doit de grandes rétrospectives, comme celle consacrée au photographe américain Walker Evans (à Pompidou aussi). Mais Clément Chéroux – auteur d’une thèse de doctorat sur les pratiques photographiques amusantes comme les photogrammes, les photomontages, les surimpressions ou les déformations, intitulée Une généalogie des formes récréatives en photographie, 1890-1940 – sait surtout sortir des sentiers battus, aller fouiller dans les coins et gratter les points aveugles de l’histoire visuelle.
Grand défenseur de la photo vernaculaire – ces images peu considérées, hors du champ de l’art et liées à des pratiques populaires –, Chéroux a écrit et impulsé des expositions sur des photos mises sur la touche qu’il nous amène à reconsidérer : celles des paparazzi («Paparazzi ! Photographes, stars et artistes» au Centre Pompidou Metz), celles qui circulent en masse sur Internet («From Here on» aux Rencontres d’Arles) ou celles des spirites («Le troisième œil. La photographie et l’occulte» à la Maison européenne de la photographie). Le conservateur s’intéresse même aux photos ratées, destinées aux poubelles. Il en a fait une exposition à San Francisco : «Don’t ! Photography and the Art of Mistakes». L’historien est également l’auteur d’essais remarqués comme Diplopie. L’image photographique à l’ère des médias globalisés : essai sur le 11 septembre 2001. Chéroux n’est jamais là où on l’attend. Le voilà de retour dans le Marais. Nul doute que la Fondation Henri Cartier-Bresson soit un terrain de jeu intense pour ce «boulimique» de photographie, comme il aime à se définir.