Bon sang mais c’est bien sûr ! Ces formes toutes molles et dégoulinantes, ces portes de voiture en toile bourrée de kapok, effondrées sur le mur, qu’on dirait passées dans un four surpuissant ou sous la baguette d’un magicien malicieux (en l’occurrence ici, celle de Claes Oldenburg). Où d’autre aurait-on pu les voir, à part dans un cartoon ? Dans une toile d’Yves Tanguy pardi ! Ou dans un paysage de Salvador Dalí, où les objets du quotidien ont la fâcheuse tendance à se ramollir en flaques. Exagère-t-on ? Pas tant que ça, Dalí lui-même trouvait que ses montres fondues préfiguraient les sculptures molles d’Oldenburg, et c’est tout le propos de la passionnante expo organisée au centre de la Vieille Charité à Marseille, «le Surréalisme dans l’art américain», que de révéler les liaisons souterraines, mal connues, voire tues sciemment, entre le mouvement européen, ses déclinaisons américaines qui datent de bien avant la Seconde Guerre mondiale, et les stratégies d’artistes nord-américains parfois très lointainement liés à ces courants. Catalogués pop, expressionnistes abstraits (AbEx) ou au contraire résolument anti, ils auraient pioché, plus ou moins explicitement, dans le bréviaire thématique ou formel du surréalisme européen, et ce pendant près de quarante ans, le réactivant dans des œuvres à fort potentiel subversif.
Tromper l’ennui et l’angoisse
Si ces résonances ont pu être ponctuellement examinées, notamment lors d’un revival surréaliste aux Etats-Unis dans les années 60 – citons l’