Elles avancent en bataillon rangé, vibrant de toute leur choséité. Bleu pâle et citron, azur, crème, verveine. Courbes douces, arrêtes tremblantes, elles ont «une dignité de monument», disait le poète Philippe Jaccottet. Oui, mais une humilité de moine. Elles ? Les cruche, bouteille, compotier, sucrier, broc, petites troupes du quotidien, choses de Giorgio Morandi (1890-1964). Et quelle paix vient de se dissoudre dans leur contemplation ! L’esthète Luca Magnani, qui les avaient rassemblées (et n’aimait pas le vilain mot de «collectionneur»), les envisageait comme un «aiguillon secret vers l’élévation morale, tacite invitation à devenir meilleurs». S’il y a bien une expo à foncer voir en ces temps de réouverture, c’est cette traversée intime et amicale de l’œuvre du peintre bolognais. Injonction paradoxale, oui : car Morandi le reclus vécut et travailla, pendant plus de cinquante ans, dans un univers réduit à une pièce de 9 mètres carrés, où il disposa et redisposa sans cesse ses petits objets pour les peindre, saisis dans une lumière laiteuse et poudrée, sous une fine couche de poussière qui s’accumulait et que bien sûr jamais il n’enlevait.
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L’énigme Morandi telle qu’elle se déploie dans les salles du musée de Grenoble, qui accueille jusqu’au 4 juillet la collection de Luca Magnani (1906-1984), prêt de la Fondation Magnani-Rocca, agrémentée de quelques trésors des collections françaises, l’énigme, donc, lumineuse, reste entière, de cette quête solitaire et entêt