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Henri Matisse au musée d’Art moderne de Paris, de mal en père

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A partir de 1901, Matisse va effeuiller et métamorphoser Marguerite, sa fille malade devenue résistante, en réalisant une centaine de portraits. L’exposition est un pont suspendu entre sa vie et la création.
«Marguerite lisant», été 1906. (cliché Jean-Luc Lacroix/Musée de Grenoble)
publié le 14 avril 2025 à 17h08

Qu’y a-t-il sous le ruban noir ? Techniquement, on le sait : une trachéotomie, avec canule, qui ne cicatrise pas. La fille de Matisse, Marguerite, née en 1894 d’une union avec un modèle du jeune peintre, Caroline Joblaud, a eu la diphtérie à 6 ans. Son état exige des opérations, des soins. Longtemps, l’enfant habite ce monde où la souffrance et le circuit sanitaire forgent un caractère et une nature qui vous isolent de la plupart des autres. Elle s’affermit et cette fermeté morale, on la sent toute sa vie. Une interview, donnée en 1970, à l’occasion de l’exposition Matisse au Grand Palais pour le centenaire de la naissance de l’artiste, montre à quel point la vieille dame est restée ferme et cash, la langue hors de la poche. On lui demande si elle était «convaincue» du génie de son père : «Le génie ! Le génie ! Qu’est-ce que c’est que le génie ? Quand on vit avec un artiste, on ne pense pas qu’il a du génie, ou alors c’est qu’on aime les grands mots.» Matisse se méfiait de l’école et des mots.

A partir de 1901, il va faire, toutes techniques confondues, une centaine de portraits de sa fille. Ni tout à fait une autre, ni tout à fait la même : on traverse avec elle les métamorphoses du peintre, on ne s’en lasse pas. On la voit naître au monde de la représentation, exister de forme en forme, fauve, cubist