Tous les chemins ne menant pas à Rome, ceux qui aiment la peinture italienne de la Renaissance peuvent se contenter d’aller au musée Jacquemart-André, légèrement rénové (en particulier le restaurant et la fresque de Tiepolo qui recouvre le plafond). On y trouve jusqu’en janvier une quarantaine d’œuvres, des moyens formats, venues de la capitale italienne et de l’un des plus beaux musées du monde, la Galerie Borghèse. Elles sont posées dans les huit petites salles habituelles où elles semblent faire antichambre, comme les émissaires d’un pays lointain. Reçu par le trio de majordomes silencieux que forment trois petites sculptures du Bernin, dont la chèvre Amalthée allaitant l’enfant Jupiter, bête à corne et à barbiche plus nourricière que celle de Picasso, le visiteur découvre ou retrouve des tableaux dont chacun ou presque vaut le déplacement. Il allègera au passage, sinon sa conscience, du moins son bilan carbone.
La conscience ne semblait pas poser de gros problèmes aux Borghèse, qui créèrent au début du XVIIe siècle la collection, l’oncle devenu pape sous le nom de Paul V et son neveu Scipion fait par lui cardinal. Le goût sans défaut de ces gangsters en robes et mosettes allait de la dernière partie du XVe à la première du XVIIe siècle, de Botticelli au Bernin. C’était le goût moderne : ce qui avait précédé n’existait pas, une mémoire s’inventait en s’emparant du meilleur du moment. Le 25 août 1827, à Rome, Stendhal écrit : «La plupart des tableaux de la Galerie Borghè