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Insolite

La première œuvre d’un robot humanoïde vendue aux enchères pour un million d’euros

Un portrait du mathématicien Alan Turing, réalisé par un automate «artiste», a été acheté en ligne jeudi 7 octobre. Unique au monde, il a utilisé l’intelligence artificielle pour créer ses tableaux et pour communiquer.
Le robot nommé Ai-Da, est inspiré d’Ada Lovelace, considérée comme une pionnière de l’informatique. (Sotheby/EPA. MAXPPP)
publié le 8 novembre 2024 à 16h59

Le père de la machine à calculer n’avait sans doute pas imaginé qu’il serait un jour croqué par un robot. Encore moins qu’elle serait achetée plus d’un million d’euros. C’est pourtant ce qui s’est passé jeudi 7 novembre avec la vente aux enchères, en ligne, du portrait du mathématicien Alan Turing. Elle devient ainsi la première œuvre d’art réalisée par un humanoïde cédée aux enchères, a annoncé Sotheby’s, la multinationale américaine de vente de pièces d’art.

Intitulé A.I. God, (Dieu de l’intelligence artificielle en français), ce portrait a été réalisé par Ai-Da, le premier robot «artiste» ultraréaliste au monde. Il a suscité la surprise en atteignant 1,08 million de dollars. «Le prix de vente record atteint aujourd’hui pour la première œuvre d’art d’un robot artiste humanoïde mise aux enchères marque une étape de l’histoire de l’art moderne et contemporain et reflète l’intersection croissante entre la technologie de l’intelligence artificielle et le marché mondial de l’art», a expliqué Sotheby’s.

Son nom, Ai-Da, est inspiré d’Ada Lovelace, considérée comme une pionnière de l’informatique. Ce robot est l’un des plus perfectionnés au monde et se présente sous les traits d’une femme avec de grands yeux et une chevelure brune. Conçu par Aidan Meller, un spécialiste de l’art moderne et contemporain, l’automate, doté de caméras oculaires et de mains bioniques, s’appuie sur l’IA pour créer des tableaux ou des sculptures. Il se déplace et s’exprime de manière autonome sans intervention humaine, également grâce à l’intelligence artificielle. «Les plus grands artistes de l’histoire ont été aux prises avec leur époque, et ont à la fois célébré et remis en question les changements de la société», a expliqué son concepteur.

Une œuvre illustrant les mises en garde de Turing

«Le portrait du pionnier Alan Turing invite les spectateurs à réfléchir à la nature divine de l’IA et de l’informatique tout en considérant les implications éthiques et sociétales de ces progrès, s’est exprimé Ai-Da. La valeur fondamentale de mon travail est sa capacité à servir de catalyseur au dialogue sur les technologies émergentes.»

Un portrait plutôt ironique de celui qui était considéré comme l’un des pères de l’informatique pendant la Seconde Guerre mondiale et qui s’était inquiété des futurs usages mondiaux de l’IA, dès les années 1950. Ce sont justement les craintes d’Alan Turing que le robot a mis en avant dans son œuvre. Les «tons sombres et les facettes brisées du visage» du portrait du mathématicien semblent suggérer «les difficultés à propos desquelles Alan Turing nous a mis en garde lorsqu’il s’agira de gérer l’IA», a analysé le créateur de l’automate. Selon Aiden Meller, les œuvres d’Ai-Da nous incitent à nous demander jusqu’«où le pouvoir de l’IA nous mènera, ainsi qu’[à nous interroger sur] la course mondiale à l’exploitation de ce pouvoir».