La manne d’un mécène loin d’être irréprochable. L’Arabie saoudite s’est engagée à contribuer à hauteur de 50 millions d’euros à la rénovation du Centre Pompidou à Paris, en échange d’accords de coopération culturelle, a annoncé le ministère français de la Culture ce mardi 3 décembre. L’annonce a été faite à l’occasion de la visite en Arabie saoudite du président Emmanuel Macron, accompagné de la ministre de la Culture Rachida Dati.
Le célèbre musée d’art moderne, appelé aussi Beaubourg et inauguré en 1977, doit fermer à l’été 2025 jusqu’en 2030 pour des travaux de désamiantage et de rénovation, de fond en comble. La facture est estimée à 262 millions d’euros pour l’État. Mais elle ne tient pas compte de la hausse des coûts de fonctionnement lors de cette période.
Tribune
D’après les estimations de la Cour des comptes, le projet, en incluant tous les coûts, «devrait mobiliser une enveloppe de l’ordre de 358 millions d’euros, entièrement financée sur le budget de l’État». S’y ajoute un ambitieux projet muséal du Centre Pompidou pour l’après-2030, estimé à «180 millions d’euros» sur fonds propres, avec l’aide du «mécénat», «la circulation des œuvres» et «l’association éventuelle d’un autre pays», annonçait en février le président du musée, Laurent Le Bon. L’accord est finalement scellé avec l’Arabie saoudite, qui contribuera à ce projet à hauteur de 50 millions d’euros.
La France va apporter son aide en matière culturelle
En échange, la France signe neuf accords-cadres de coopération, pour apporter son expertise à l’Arabie saoudite. Le royaume, hôte de l’Exposition universelle de 2030, souhaite développer son offre culturelle et accroître son attractivité touristique. Ces accords concernent des domaines comme l’archéologie préventive, le patrimoine, les musées, le cinéma, les bibliothèques, l’ingénierie culturelle ou la formation des personnels saoudiens.
La France avait déjà signé en 2018 un accord de coopération culturelle qui concernait le site d’Al-Ula, riche en vestiges archéologiques. Il encadre, entre autres, l’expertise qu’apporte le Centre Pompidou à un projet de création d’un musée d’art moderne dans cette région. Ces derniers accords signés étendent ainsi à l’ensemble du territoire saoudien cette coopération avec la France.
Record d’exécutions
Ces accords culturels interrogent, alors que le royaume saoudien est régulièrement accusé d’atteinte aux droits humains, une problématique absente de ses échanges diplomatiques avec la France. Ces financements ont été actés le jour même où l’on apprend que le pays du Golfe bat, cette année, le triste record du nombre d’exécutions pour un seul pays en un an, avec 300 condamnations à morts. Plusieurs de ces condamnés sont des personnes qui ont «exercé pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression ou d’association» selon Amnesty, et qui sont parfois torturés pour obtenir des aveux puis condamnés à l’issue de procès inéquitables, sans possibilité de contester la décision de justice.
L’ONG déplore également la situation des femmes saoudiennes qui font toujours l’objet de discriminations «en droit et en pratique, notamment concernant le mariage, le divorce, la garde des enfants et l’héritage.» Sans parler de la situation des migrants, «soumis à de graves atteintes aux droits humains, notamment des homicides à la frontière avec le Yémen et des traitements assimilables à de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail».