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Les blancs de travail de Robert Ryman

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En apparence simples et monotones, les peintures de l’artiste américain, au cœur d’une grande rétrospective à l’Orangerie, sont en fait un ballet de procédés, de matières et de matériaux.
«Untitled» (1965) de Robert Ryman. (Heidi Bohnenkamp)
publié le 30 mars 2024 à 9h12

L’œuvre s’appelle Concert (1987) mais évoque plutôt les instants qui précèdent, quand l’orchestre s’installe, et que le brouhaha de la salle rejoint celui des instruments qui s’accordent, une vibration parcourant l’assemblée. La peinture tremble à la surface, mélange de laque et d’acrylique un peu touillé, épais, blanc, dont les bords, pas nets, s’évanouissent sur le panneau de fibre beige. Concert est blanche et carrée, comme presque toutes les œuvres visibles dans la belle expo «Robert Ryman, le regard en acte», à l’Orangerie à Paris (la première rétrospective dans une institution publique depuis 1981), mais chacune est infiniment différente, pulsatile à sa manière, si l’on veut bien se donner la peine de regarder – jusqu’aux blancs dont on ne soupçonnait pas l’étendue de nuances.

Le parcours rend au travail de l’Américain, connu pour ce blanc systématique, son immense sensualité, son appréhension évidente, qui fait de chacun de nous, regardeurs, un exégète, voire un peintre en puissance. Car chaque œuvre livre d’emblée les mystères de sa fabrication : sur la surface opaline et satinée de Lisson (1972), l’on pourrait compter le nombre de couches de laque déposées. Sur celle d’Untitled (1965), réalisée à l’émail sur carton de bristol, les bandes blanches horizontales désignent un geste systématique balayant encore et encore la largeur de la toile, déposant une charge de peinture plus lourde au début et à la fin, laissant des petits paquets aux ext