Dans un entretien donné à FR3 à la fin de sa vie (elle meurt en 1981 à 96 ans), Marcelle Cahn, dans sa maison de retraite à Neuilly, raconte sa carrière et son art d’une voix paisible, chevrotante, posée et inspirée. Elle n’enjolive rien ni ne cherche à convaincre de la qualité ou de l’originalité de sa peinture. Elle aurait pourtant de quoi dire. Mais ce qu’elle transmet là, c’est l’exemple d’une femme habitée par son art, et non pas par l’ambition de percer dans le milieu. Qui le lui a bien rendu : de son vivant, elle aura vécu longtemps dans la misère et n’aura eu que peu l’occasion de montrer son travail, pourtant fort nourri ainsi que le démontre l’ample rétrospective que lui consacre le Musée d’art moderne et contemporain de la métropole de Saint-Etienne – après une étape à Strasbourg, ville natale de l’artiste, et avant une dernière à Rennes.
Ce qui prend ainsi la lumière est une œuvre qui s’inscrit durant l’entre-deux-guerres dans les courants de l’abstraction tendance Fernand Léger ou Amédée Ozenfant, dont Cahn fut l’élève. Les objets et les paysages qu’elle peint plient leurs contours aux formes géométriques qui organisent toute la composition. Un Avion-Forme aviatique (1930), carlingue anguleuse et trajectoire fulgurante, perce ainsi un ciel de cercles et de volumes anguleux. Il en partage même les teintes mates et la touche lisse, sans débords ni empâtements. Ce style, sûr de ses options esthétiques et bien dans le ton de l’époque, elle l’abandonne pourtant