Un gros aigle de pierre monte la garde devant le sas d’entrée. Sur ses flancs, une myriade de petites plumes sculptées en pierre volcanique. Il est imposant et effilé, «l’un des plus beaux exemples de la statuaire mexica», nous renseigne le cartel. Et, sur son dos, s’épanouit un large trou. A l’ère de l’Empire mexica (1325-1521), il servait sans doute à recevoir les cœurs et le sang de sacrifiés humains, immolés dans l’enceinte sacrée de la ville de Tenochtitlan. Non loin, une statuette cauchemardesque, yeux hallucinés, os saillants, toutes dents dehors, représente «l’esprit courroucé» d’une femme divinisée morte pendant l’accouchement. Cette entrée en matière un brin morbide donne le ton de l’impressionnante expo du musée du Quai Branly, «Mexica : des dons et des dieux au Templo Mayor», laquelle lève un pan sur les pratiques d’échanges complexes d’un peuple qu’on a longtemps et par erreur appelé Aztèques, qui prenaient souvent la forme de sacrifices humains ayant fait depuis leur sulfureuse renommée. Une renommée par ailleurs un poil exagérée : l’on apprendra que 1 500 dépouilles de victimes ont été retrouvées, loin des 80 000 sacrifiés en une journée évoqués par certains conquistadors espagnols.
Cosmogonie
Les lecteurs de Julio Cortázar se souviendront peut-être du calvaire vécu par le personnage de «la Nuit face au ciel», captif des guerres fleuries qui sent venir sa fin, obnubilé par l’odeur de mort qui l’entoure alors qu’il gît au sommet d’un temple. L’on y songe dans