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Michael Schmidt en Berlin miné

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Mur de Berlin, trente ans aprèsdossier
Le Jeu de paume expose une vie consacrée à photographier la capitale allemande et ses habitants. Une œuvre où dominent grisaille et mélancolie.
Sans titre, Berlin-Kreuzberg. Stadtbilder 1981-82. (Michael Schmidt/Foundation for Photography and M)
publié le 30 juillet 2021 à 9h17

Il est rare qu’une exposition sache maintenir un suspense si intense tout en distillant une monotonie poisseuse. C’est ce qu’accomplit Michael Schmidt, Une autre photographie allemande au musée du Jeu de paume : dans un accrochage chronologique qui retrace la carrière du Berlinois mort en 2014, quatre jours seulement après avoir reçu les honneurs du Prix Pictet, les photographies dressent un état des lieux réaliste de l’Allemagne de l’après-guerre – et particulièrement de la ville meurtrie de Berlin dans les années 70 – sans pour autant se livrer pleinement au regard du spectateur.

Il y a de la parcimonie, de la retenue, de la distance et pas mal d’ennui qui se dégagent des paysages et des portraits de l’autodidacte Michael Schmidt, né en 1945 à Kreuzberg, quartier populaire du sud berlinois, et élevé à Berlin-Ouest : sur ses clichés, les petits enfants pauvres de Kreuzberg pataugent dans l’eau saumâtre, les inspecteurs ou ingénieurs tirent une tête de trois kilomètres de long, tous ont l’air de figurants ou d’automates dans un monde sous perfusion, les terrains vagues, les ruines et la laideur dominent la ville… Mais surtout, l’ex-gendarme mobile devenu photographe fige les rues dans une chape de grisaille, laquelle s’infiltre comme un poison dans des intérieurs pourtant cossus. Des tirages aux noirs pas francs, aux blancs pas limpides, se dégage un sentiment de mélancolie sèche qui colle