Depuis sa vaste exposition au Pavillon Carré de Baudouin en 2012, le mystère Marcel Storr ne s’est pas vraiment éclairci. Et le bel accrochage que lui consacre la galerie Loevenbruck permettra aussi bien à ceux qui ne connaissent pas son œuvre qu’à ceux qui en gardent un souvenir ému de le (re) découvrir. Car la magie Storr opère encore, et c’est ce qui fait la force de cette œuvre énigmatique : comment ne pas être sensible à ces dessins d’architectures grandioses ainsi qu’à la trajectoire tragique de leur auteur ? Marcel Storr, né en 1911, abandonné par sa mère à l’âge de 3 ans, mène une existence de reclus dans une quasi-surdité jusqu’à sa mort en 1976. Promené entre diverses familles d’accueil, victime de maltraitances dans les fermes où il est placé, l’enfant de l’Assistance publique finit cantonnier et balayeur de rue au Bois de Boulogne, auprès de sa femme Marthe, gardienne d’immeuble dans le IXe arrondissement de Paris.
Dans le plus grand secret, l’autodidacte couche sur papier Canson des constructions monumentales avec un sens du dessin ahurissant. Heureusement préservée par la famille Kempf, l’œuvre - une soixantaine de dessins aux crayons de couleur et à l’encre (dont 12 sont dans l’exposition) - déploie d’abord d’impressionnantes églises hérissées de flèches et de pics qui lévitent sur les feuilles. Dès 1932, Marcel Storr bâtit un monde de pierre, refuge parallèle à son existence misérable. Vues de face, ses églises et cathédrales sont dessinées avec une précision