Il avait fait du noir sa signature et, contre toute logique, un puits de lumière. Mieux, il en avait fait son interlocuteur privilégié. Soulages et le noir débattirent ensemble, plus d’un demi-siècle durant, sur toile et sur papier, présentant les résultats de leur controverse sur les cimaises du monde entier. Sans jamais en démordre, sans s’épuiser ni se lasser, sans cesser de s’étonner ni de s’émerveiller devant les possibilités offertes par une couleur qui n’est pas censée en être une, l’artiste a mis et remis le noir sur le grill du châssis. Au point qu’il lui fallut lui trouver un autre nom, forger un néologisme, «outrenoir» qui semble tenir aussi bien de l’exotique «outremer» que du funeste «outre-tombe». Même si l’artiste ne joua jamais sur la symbolique du noir, il y a dans l’obstination avec laquelle il en enduisit ses toiles, une sorte d’emphase dramatique et radical. L’artiste bouleversa ce que chacun croyait savoir du noir, de la peinture (abstraite) et de l’art, faisant basculer la peinture sur une pente aveugle et voyante : «Ce qui me guide et ce qui apparaît quand on regarde les toiles, disait-il, c’est la lumière reflétée par le noir, transformée par le noir.» Pierre Soulages s’est éteint à l’âge de 102 ans
A lire aussi, une rencontre du peintre avec «Libération» en 2013
Soulages fut un peintre moderne et populaire, présent partout dans le monde occidental (surtout à ses débuts, avant que New York ne vole l’art moderne aux Européens) et