Le portrait est très réussi. Cet air renfrogné et l’éventail à la main c’est tout elle, la reine Victoria. Sculptée dans un bois ocre à la fin du XIXe siècle par un artiste yoruba (actuel Nigéria) dont on ne connaît pas le nom, cette statuette exposée au Mucem, à Marseille, est typique de ces œuvres qui renversent les regards. Pour une fois ce n’est pas une gravure occidentale représentant les us et coutumes des «indigènes» accrochée aux cimaises d’un musée, mais la vieille anglaise vue par un Africain. La couronne à arceaux, le voile de dentelles, le collier à médaillons… L’artiste reprend tous les emblèmes royaux du portrait de la reine pour son Jubilée d’or. Y compris son éventail donc, au détail près que la reine le «tient dans la main gauche comme un oba (le roi yoruba) le ferait d’un chasse-mouche», note Hélène Joubert, conservatrice au musée du Quai-Branly où la statue est d’ordinaire exposée (1).
Présentée jusqu’au 11 mars au musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), l’exposition «Une autre histoire du monde» propose de repenser le récit traditionnel de l’histoire et de déjouer notre orientation commune : les repères qui organisent notre vision du monde ne sont que des conventions qui varient en fonction du point de vue où on se place. Aux murs, les cartes venues des mondes arabes ou asiatiques ne portent pas l’Europe en leur centre et ne sont striées d’aucun méridien. L’une d’elles, dessinée en Corée au XVIIe, très sinocentrée, indique