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Alléluia

Nouveaux vitraux de Notre-Dame : l’artiste Claire Tabouret l’emporte

Emmanuel Macron et l’archevêque de Paris ont choisi ce mercredi 18 décembre le projet de la peintre, qui met en avant la jeunesse et les personnes vulnérables dans ses œuvres.
Claire Tabouret a dévoilé son projet ce mercredi 18 décembre à Paris. (Stephane de Sakutin/AFP)
publié le 18 décembre 2024 à 17h44

A la dernière Biennale de Venise, elle participait à l’exposition du Pavillon du Saint-Siège, curatée par Maurizio Cattelan et Chiara Parisi. On n’osera pas y voir une miraculeuse prémonition à la désignation par le président de la République et l’archevêque de Paris, après le choix du comité artistique, de Claire Tabouret pour la réalisation de nouveaux vitraux dans six chapelles du bas-côté sud de la nef de Notre-Dame. Néanmoins, les toiles que l’artiste (née en 1981) y montrait étaient pénétrées d’une tendre gravité et d’une humanité touchante qui ont pu faire pencher la balance en sa faveur. Elle dépeignait les enfants de détenues, d’après les photos de famille que celles-là avaient bien voulu lui confier, et surtout avec ce pinceau qui n’insiste pas, préférant estomper contours pour laisser les sujets dans une évanescence diluée.

Les enfants ont été tôt un sujet de prédilection pour la diplômée des Beaux-Arts de Paris (en 2006) qui verra sa carrière prendre un tournant en 2013 avec une exposition à la galerie Isabelle Gounod. Son portrait de groupe d’enfants (intitulé les Insoumis) costumés pour un carnaval, mais plongés dans une drôle de lumière verdâtre, tenant en leur main des espèces de longs bâtons électriques et fixant froidement le spectateur, tape dans l’œil de François Pinault. Dans une carrière d’artiste, cet œil compte double. La fidélité du milliardaire, qui accroche régulièrement ses toiles au Palazzo Grassi ou à la Bourse de Commerce, ne s’est depuis pas démentie.

La manière dont Tabouret représente les jeunes (mais aussi les migrants ou des êtres en situation précaire) n’a rien d’une image d’Epinal. Au contraire, c’est comme si ses tableaux étaient le lieu d’une revanche sourde de ces êtres vulnérables que la société plie à un rôle convenu et réduit à une existence marginale ou bien décorative. Ainsi dans la série «les Débutantes» sont représentées, en groupe toujours, des jeunes femmes trop bien mises pour le bal, bustiers et robe à volants. La palette rougeoyante ou bleu nuit, la manière dont les filles se tiennent, serrées, solidaires, donnent le sentiment qu’elles font front et face. Les coups de pinceaux les aident à faire corps dans une muette révolte contre l’assignation sociale : les nattes s’entremêlent parce que la peinture ne fait pas trop de différence entre les personnages, ni entre leur costume dont les plis dégoulinent les uns sur les autres dans des effets de traîne ensorcelant.

La facture de cette peinture humide rappelle souvent celle de l’aquarelle. Elle permet à Tabouret de saisir moins des corps de chair et d’os, que leur aura luminescente et leur désir, presque surnaturel, de revenir au visible, d’y prendre la place qui leur était due. Leurs existences diaphanes et spectrales les prédisposaient peut-être naturellement à finir en vitrail.