La collection n’a pas manqué de faire parler d’elle. Le célèbre Kunsthaus de Zurich a de nouveau présenté jeudi 2 novembre la collection d’Emil Bührle, un marchand d’armes qui a amassé des œuvres d’art pendant et juste après la Seconde Guerre mondiale. Mais cette fois, le musée remet la collection «en contexte». «Dans l’histoire de la collection Bührle il y a toujours eu des moments de controverse qui répondent aux signes des temps et nous vivons désormais à une autre époque», explique la directrice du musée, Ann Demeester.
En 2021, la collection de l’industriel et mécène allemand naturalisé suisse avait déjà fait polémique, alors que le musée zurichois l’accueillait dans un grand bâtiment tout neuf. La collection de 170 œuvres, parmi lesquelles du Gauguin, Delacroix, Cézanne, Monet ou encore Picasso, avait été critiquée pour sa provenance. Certaines avaient été spoliées à des juifs ou vendues dans l’urgence par leurs propriétaires pour fuir les nazis. Entre 1936 et 1945, Emil Bührle avait fait l’acquisition d’environ 150 œuvres, dont 13 qui ont été spoliées et donc restituées. Mais l’industriel a pu plus tard en racheter 9, une seconde fois.
A lire aussi
Une controverse peut parfois en cacher une autre
Après la première controverse de 2021, le musée compte refaire son image, en donnant une place prépondérante aux parcours des œuvres. L’exposition s’ouvre d’ailleurs sur un récit de l’itinéraire du chef-d’œuvre impressionniste de Renoir, Portrait d’Irène Cahen d’Anvers (1850) confisqué par les nazis avant d’être remis à ses propriétaires juifs après-guerre puis revendu à Emil Bührle. «Nous avons pensé qu’il était important d’aborder ouvertement les questions problématiques qui ont été discutées dans les médias ces dernières années, mais jamais ici dans notre maison», justifie Ann Demeester. Le musée veut aussi créer le débat en mettant en place des sondages numériques et en projetant des points de vue contradictoires d’experts et historiens. «Nous aimons les discussions, donc si un musée est un sanctuaire pour de belles images, il est aussi […] une plateforme où se déroulent des conversations», plaide la directrice.
Mais la contextualisation ne va pas assez loin pour le premier comité consultatif externe, qui avait intégralement démissionné la semaine dernière. Le Temps rapporte que lors de l’ouverture de la collection à la presse, une de ses membres a pris la parole devant les journalistes pour exprimer son mécontentement. «La nouvelle présentation de la collection suit une approche entièrement centrée sur la personne d’Emil Bührle. Malgré nos recommandations réitérées de donner la place nécessaire au destin des collectionneuses et collectionneurs persécutés, spoliés et assassinés, seule une petite partie de l’exposition est consacrée à leur présentation et à leur reconnaissance», déplore-t-elle. Ce à quoi Ann Demeester a simplement répondu : «Nous respectons cette vision des choses, mais nous ne la partageons pas.»