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Exposition

«Quod Vide» : quand la pandémie fait volte-farce

La galerie Lara Vincy prend à rebours l’angoisse générée par la crise sanitaire avec une série d’œuvres espiègles.
En paranoïaque ­consciencieuse, Esther ­Ferrer met en scène les règles de la distanciation physique. (Zoo Studio)
publié le 20 juin 2021 à 18h49

Franchement, on ne pouvait plus le voir en peinture, le coronavirus. Et pourtant quel n’a pas notre étonnement de retrouver l’ennemi public numéro 1 dans une petite exposition bien sentie à la galerie Lara Vincy. Alors même que l’on aperçoit le bout du tunnel de la pandémie, il fallait une bonne dose d’espièglerie pour oser imaginer une exposition sur ce sujet. Le directeur de la galerie, Youri Vincy, a concocté son coup en secret. L’idée a germé quand un ami lui a apporté une plaque publicitaire émaillée des «Peintures Corona». Bien intentionné, cet ami lui a dédicacé le ready-made qu’il a signé «l’artiste masqué» : pour Youri Vincy, la chasse aux œuvres sur le thème du virus était donc lancée. Les photographes ne sont pas les seuls à avoir été inspirés par l’actualité, les plasticiens aussi ont intégré la maladie à leurs pièces. Et rue de Seine, ils exposent des œuvres à rebours de l’angoisse : le ton est humoristique, les gestes sont barrières et la distance, critique. Prêt à souffler un peu ? Il faut alors commencer le tour de cette petite exposition avec une pièce signée Clémentine Mélois. La plasticienne et écrivaine a mis sous vitre un ticket de manège rose sur lequel est écrit «Bon pour un jour de légèreté».

Ce simple jeton de plastique qui sonne comme un appel à plus d’allégresse en dit long sur la lourdeur de l’atmosphère dans laquelle on vit depuis plus d’un an. Ailleurs, il faut chercher les traces du fameux Covid qui apparaît sous forme de masques, d’un gros clystère, d’une horloge détraquée et de son icône, une boule hérissée de piquants inspirée de ses représentations microscopiques. Visez la balle de tennis transpercée de vis (Fluo vo12, Pierre Fisher), l’absurde photo du variant anthropomorphe dans un cadre lumineux (Variant, Léa Le Bricomte) et la petite valise de doudous masqués (Virus trio, Charlemagne Palestine). Il y a même trois pangolins dont un écrasé (Ecrabouillade de pangolin, Jean-Luc André) ainsi qu’une chauve-souris. Dans les petits tableaux de Jacques Charlier, l’ennemi à abattre devient un gros choux farci coupé en deux (Merci à ceux et celles qui cherchent). Dans un autoportrait, Esther Ferrer, en paranoïaque consciencieuse, cherche à se rendre compte, mètre à l’appui, des règles de la distanciation physique. Et Miller Levy, passé maître en l’art de disséquer les livres de la collection «Que sais-je» (série les Oulipismes), a fait des cadavres exquis avec leurs titres. Il permute par exemple la Chine populaire et la Maladie infectieuse qui deviennent de nouveaux livres aux titres absurdes : la Chine infectieuse et la Maladie populaire. Il y a même des attestations papier, recouvertes de dessins de Ricardo Mosner. A propos, le show s’intitule «Quod Vide» (une idée du plasticien Pascal Le Coq), qui en latin signifie «voir ailleurs». C’est bien le savoureux paradoxe de cet accrochage qui nous remet le nez dedans tout en portant notre regard un peu plus loin.

«Quod Vide, l’artiste masqué et les peintures Corona», Galerie Lara Vincy (75006) jusqu’au 11 septembre