Samedi, Victor Hugo a disparu sous une chemise à fleurs, un écran de portable et d’affreuses traces de colle dégoulinante. Peinte en 2018 rue Soufflot dans le Ve arrondissement de Paris par Christian Guémy alias C215, l’effigie du père de La légende des siècles a été recouvert par des affiches de la marque Motorala. Si l’agence publicitaire responsable du collage a indiqué avoir fait retirer l’affichage dès le lendemain, les réactions, outrées, se sont poursuivies pendant tout le week-end. «Honte à l’agence @BrainsonicParis qui a orchestré cette campagne d’affichage publicitaire sauvage qui ne respecte pas les œuvres d’art», a aussitôt tweeté l’artiste, soutenu par plusieurs élus.
Honte à l'agence @BrainsonicParis qui a orchestré cette campagne d'affichage publicitaire sauvage qui ne respecte pas les oeuvres d'art pic.twitter.com/7u1oJEtCuL
— . . . (@christianguemy) May 22, 2021
Florence Berthout, maire du Ve arrondissement, a aussitôt réagi : «Je condamne cette publicité sauvage inadmissible qui dégrade le parcours illustre, des portraits d’hommes et de femmes célèbres que tu as réalisés avec talent dans les rues du Ve autour du Panthéon.» De son côté, Emmanuel Grégoire, premier adjoint d’Anne Hidalgo chargé de l’Urbanisme, a annoncé qu’une «plainte sera[it] déposée». «N’achetez pas les marques qui s’adonnent à ce type d’incivilités, elles ne méritent que notre mépris», a fustigé l’élu, précisant attendre des excuses ainsi qu’une remise en l’état de l’œuvre. «C’est avec un immense plaisir que nous vous enverrons la facture pour réparer vos saletés», tance de son côté Colombe Brossel, adjointe à la maire de Paris chargée de la Propreté de l’espace public.
«Foutage de gueule»
«En tant que street artist je fais vraiment très attention à ne pas dégrader, raconte à Libération C215. Et là, en plus, il s’agissait d’une œuvre symbolique de Victor Hugo, rue Soufflot, commandée par le Centre des monuments nationaux et la ville de Paris.» Les affiches collées sur la tête de l’écrivain ? «Il s’agit d’une campagne qui n’est pas décalée ni engagée mais juste dégueulasse. Ils ne comprennent pas que les millennials aimeraient des marques responsables et respectueuses de l’environnement. Outre l’irrespect de mon œuvre, il s’agit d’un irrespect pour Paris tout entier», regrette l’artiste qui souhaite en finir avec l’affichage sauvage mais qui ne portera pas plainte. «Les agences de com doivent contribuer à la prise de conscience que nous avons de vouloir vivre dans un environnement protégé, encourage Christian Guémy. Mon but est d’alerter, et non pas de tirer la couverture à moi. […] Quand je dis “rendez-nous Victor Hugo“, c’est une phrase métaphorique.»
Lundi après-midi, Guillaume Mikowski, CEO de Brainsonic Paris, a présenté ses excuses sur Twitter, après s’être assuré que les collages incriminés avaient été retirés : «Nous réitérons nos excuses auprès de C215 et des habitants du quartier. L’affichage sauvage doit appartenir au passé et nous nous engageons fermement à ce que cela ne se reproduise jamais dans le futur.»
Une réponse qui peine à convaincre les internautes, notamment ceux engagés contre la pollution et l’abus de publicité dans la capitale, comme le compte Twitter Fabien Tipon and co. «Nous connaissons par cœur ce genre d’histoires de marque qui fait appel à une agence et à un prestataire pour faire de l’affichage sauvage dans tout Paris, raconte l’un de ses membres à Libération. Si jamais la marque ou l’agence fait un bad buzz, cette dernière donne des excuses comme “ce n’est pas ma faute“, “on ne savait pas“, “le prestataire s’engage à nettoyer“, et autres stupidités. C’est du foutage de gueule.»