Il existe au Louvre plusieurs «Joconde», qui n’attirent pas la foule comme celle de Vinci. La Vierge du chancelier Rolin, peint par Jan Van Eyck vers 1435, est l’une des plus remarquables. Ce qui fascine le plus n’est pas la Vierge, malgré son fin visage rond, sa longue chevelure rousse, son immense robe rouge, malgré l’ange aux ailes arc-en-ciel qui la couronne. C’est d’abord l’homme solide et de profil, la mâchoire ferme et en prière, qui lui fait face : le richissime et puissant Nicolas Rolin, né et mort à Autun, chancelier du duc de Bourgogne et commanditaire du tableau. C’est ensuite le nourrisson nu, au visage vieilli et replet, que la Vierge tient sur ses genoux et qui bénit le grand homme d’une main, tenant de l’autre un globe surmonté d’une croix, dont chaque perle semble illuminée de l’intérieur par quelques points minuscules de peinture blanche. La main du petit Christ qui, dans un premier temps ne bénissait pas, a sans doute été déplacée à la demande du chancelier. Elle est prolongée, au second plan, au loin, par un pont qui relie une vieille cité à la Jérusalem céleste. Baguette magique ? Ce qui attire enfin, c’est une ruche de silence : cette multitude humaine, animale, végétale, minérale, plus ou moins lilliputienne, qui fourmille dans le paysage du fond vers les montagnes et jusqu’au ciel, défiant l’ordre des perspectives et les frontières de la virtuosité. Elle enlumine de ses dentelles les géants du premier plan.
Démonstration de fortune et de foi
Une Vierge fait bénir par son fils le