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Exposition

Thomas Ruff : «J’adore les photos qui mentent»

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Dans dernière sa série «Tableaux chinois», visible à la galerie David Zwirner à Paris, l’artiste allemand pixélise des images de propagande du régime de Mao. Il raconte à «Libé» sa passion pour l’appropriation de clichés déjà existants.
Thomas Ruff, «Tableau chinois 6», 2019. (Thomas Ruff/VG Bild Kunst/ARS/Courtesy de l'artiste et galerie David Zwirner)
publié le 18 février 2021 à 19h58

Les photographies – tout comme l’argent − n’ont pas d’odeur. Mais si elles en avaient une, les dernières images de Thomas Ruff sentiraient peut-être très mauvais. Dans les Tableaux chinois, dernière série du photographe de Düsseldorf, un Mao Zedong bronzé pose telle une icône pop. Mais rien ne filtre de sa déplorable hygiène. Comme l’a révélé son médecin personnel, «le Grand Timonier» (100 kilos de masse corporelle) ne prenait jamais de douche, ne frottait jamais ses dents couvertes de plaques vert bouteille et nettoyait son bas-ventre «dans le corps des femmes» en piochant dans son harem de danseuses. Pourquoi pose-t-il dans un avion alors qu’il en avait une trouille bleue et ne voyageait qu’en train ? Sous ces portraits flatteurs aux couleurs pétantes, se cachent les millions de morts (entre 40 et 80 millions selon les estimations) que l’on impute à son règne (1949-1976). Mais pourquoi Thomas Ruff en a-t-il fait des tableaux aux dimensions aussi monumentales (239x184cm) ?

Près de cinquante ans après les Tableaux chinois du peintre islandais Erró – auteur de désopilantes caricatures pop de l’autocrate manipulateur –, les Tableaux chinois de Thomas Ruff paraissent moins fantaisistes. Aux images prélevées dans des vieux magazines du Parti communiste qu’il a agrandies à outrance, l’artiste allemand, 63 ans, a ajouté une superposition de pixels, faisant glisser l’ère Mao dans l’âge numérique. Aux murs de la galerie Zwirner, la parade bidon du C