Menu
Libération
Art contemporain

Turner Prize, le temps des militants

Article réservé aux abonnés
A l’image d’un milieu culturel international obsédé par son «utilité» sociale, la liste des finalistes au prestigieux prix d’art contemporain, dévoilée vendredi, célèbre uniformément les collectifs d’activistes.
Cooking Sections, tandem d’activistes au carrefour de l’architecture et de l’écologie qui interroge la répartition de la nourriture dans le monde. (Ruth Clark)
publié le 10 mai 2021 à 19h35

Vendredi, le jury de la 38e édition du Turner Prize, célèbre prix d’art contemporain porté par la Tate Britain, dévoilait les noms de ses cinq finalistes. Une liste très commentée en ce qu’elle est cette année entièrement composée de collectifs d’artistes, mais surtout en ce que tous assignent clairement à leurs œuvres des buts éthiques et militants. Les heureux nommés sont donc Cooking Sections, tandem d’activistes au carrefour de l’architecture et de l’écologie qui interroge la répartition de la nourriture dans le monde (certains ont pu les voir à la Biennale Manifesta à Palerme en 2018), mais aussi Array Collective, un groupe d’artistes de Belfast très engagé en faveur des droits LGBT et de la lutte pour l’avortement, ou encore Black Obsidian Sound System, collectif qui promeut un activisme artistique radical à destination de la communauté queer et transgenre, et enfin Project Art Works, qui réunit plusieurs artistes «neuroatypiques».

«Repli sur la valeur éthique»

Et alors, c’est super, non ? C’est en tout cas intéressant d’observer à quel point ce geste de programmation éclaire un conflit de valeurs dans la gauche culturelle. C’était précisément l’objet d’un essai paru aux PUF en 2018, intitulé l’Art sous contrôle, dans lequel la philosophe Carole Talon-Hugon revenait sur les différents jalons permettant de retracer un «virage moral de l’art». Déjà en 1993, rappelait-elle, la Biennale d’art contemporain du Whitney Museum de New York donnait moins à voir les grandes tendances de l’art con