A chaque fois qu’elle passait devant ce tableau, la femme de Luigi Lo Rosso, brocanteur italien, le qualifiait d’«horrible». Elle espérait pouvoir détacher du mur cette toile que son mari avait dénichée dans une cave d’une maison à Capri, en 1962, et enfin pouvoir s’en débarrasser. Finalement, la voilà précieusement gardée dans un coffre-fort à Milan. Le journal italien Il Giorno a révélé lundi 30 septembre que ce tableau avait été authentifié comme un original de Pablo Picasso.
D’après Il Giorno, l’histoire débute dans les années 60. Luigi Lo Rosso déniche par hasard dans la cave d’une maison située à Capri un tableau représentant un visage féminin déformé et asymétrique. En haut à gauche du tableau figure une signature en italique mentionnant «Picasso». Mais le brocanteur, aujourd’hui décédé, ne connaît pas l’artiste né à Malaga, et n’y prête pas attention. Il enroule alors la toile sans attention particulière, et l’emporte chez lui, à Pompéi. Après avoir été dotée d’un cadre sommaire, elle est accrochée au mur du salon familial. L‘œuvre restera là pendant plus de cinq décennies.
C’est ensuite à la faveur du fils aîné de Luigi, Andrea Lo Rosso, que le regard sur ce tableau évolue. Il est le premier à s’interroger sur l’artiste derrière cette toile, le tout après avoir observé plusieurs peintures de Picasso dans une encyclopédie. Il pense alors à une «banale copie» d’une œuvre de l’artiste. Afin de lever le moindre doute, la famille Lo Rosso fait appel à une équipe d’experts : des analyses chimiques des matériaux sont menées, tout comme des comparaisons avec d’autres œuvres et d’autres enquêtes historiographiques.
Un tableau aujourd’hui estimé à 10 millions d’euros
Après des années d’enquêtes, Cinzia Altieri, graphologue et membre du comité scientifique de la Fondation Arcadia – une organisation privée de droit suisse qui traite des évaluations, restaurations et des attributions d’œuvres d’art – a confirmé début septembre que la signature figurant sur le tableau était bien celle de Picasso. Dans son rapport, l’experte signale que la signature de Picasso «est attribuable à la main du maître, et qu’il n’existe aucune preuve de son caractère apocryphe», c’est-à-dire d’une authenticité douteuse, rapporte Il Giorno. Les analyses ont aussi permis de corroborer l’hypothèse selon laquelle la toile trouvée par hasard à Capri est l’un des nombreux portraits de Dora Maar, poétesse et photographe française, amante de Pablo Picasso entre 1930 et 1940. Le tableau aurait alors été réalisé entre 1930 et 1936, note le Guardian.
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Dans une interview accordée au journal britannique, Andrea Lo Rosso confie par ailleurs que sa famille avait longtemps envisagé de se débarrasser du tableau. «Ma mère ne voulait pas le garder, elle n’arrêtait pas de dire qu’il était horrible», se souvient-il, en ajoutant qu’elle le considérait comme un «gribouillage». Un gribouillage pourtant évalué aujourd’hui à près de 10 millions d’euros, note Il Giorno.
Le fils du brocanteur à l’origine de la découverte a contacté à plusieurs reprises la Fondation Picasso de Malaga, qui possède le dernier mot sur l’authenticité du tableau. Mais celle-ci a jusqu’ici toujours refusé d’examiner la documentation présentée par la famille Lo Rosso, en raison des nombreuses demandes de ce type qu’elle reçoit chaque jour. Si le tableau finit toutefois par être reconnu par la Fondation, il pourrait valoir le double de son estimation actuelle. Andrea Lo Rosso espère ainsi pouvoir ensuite «le mettre aux enchères».