Menu
Libération
Mauvaise nouvelle

Une aide pour les artistes précaires disparaît, un dispositif plus contraignant et sélectif la remplace

Attribué par le Centre national des arts plastiques depuis 2004, le «secours exceptionnel» permettait de bénéficier d’un soutien financier en cas de difficultés. Il disparaît au profil de «Rebond», un programme dont bénéficieront moins de personnes et qui vise plutôt à soutenir des projets professionnels.
Mobilisation du monde de la culture contre les politiques d'austérité qui touchent le secteur, à Paris, le 20 mars 2025. (Valérie Dubois/Hans Lucas)
publié le 15 avril 2025 à 10h31

Le Centre national des arts plastiques (Cnap) a sonné le glas de son dispositif «secours exceptionnel» au début du mois de mars. Attribué par l’institution depuis 2004, ce fonds visait à soutenir les artistes-auteurs rencontrant des difficultés ponctuelles qui font obstacle à leur activité professionnelle. Ceux-ci pouvaient compléter un dossier justifiant d’une part, de leur statut d’artiste, et d’autre part, d’un salaire inférieur au smic horaire. Mais en mars, le Cnap a annoncé la fin de cette aide et la création d’une nouvelle, «Rebond», à laquelle il est possible de se porter candidat depuis le 10 mars, et jusqu’au 29 avril. Le projet est en germe depuis quelques mois déjà, et avait été acté en interne le 29 octobre 2024.

Le Syndicat national des artistes plasticien·nes (Snap-CGT) déplore cette décision qui, selon lui, va contribuer à précariser les artistes-auteurs. Originellement, le dispositif de secours exceptionnel était «basé sur des critères sociaux», pointe-t-il dans un communiqué rendu public le 31 mars. Or, le nouveau fonds exclut les demandeurs «les plus en difficulté» et renforce «les inégalités» en privilégiant «le développement de carrières», assure le syndicat.

Plus de sous, plus de contraintes

Pour bénéficier de ce nouveau dispositif, il faut être affilié au régime d’artistes-auteurs depuis au moins cinq ans, contre trois pour l’aide précédente, afin d’«intégrer les artistes-auteurs qui connaissent une rupture professionnelle importante», détaille le Cnap. Il faut également justifier «d’une baisse significative ou d’une rupture des revenus artistiques dans les cinq dernières années» ou «de revenus bas dans les trois dernières années, équivalents ou inférieurs à la valeur d’un smic annuel».

Ce qui change surtout, c’est la nature du dispositif. Tandis que le fonds précédent attribuait 1 500 euros, Rebond est d’un montant de 4 000 euros. Le bénéficiaire aura l’obligation d’assister à un programme «de développement professionnel» de plusieurs jours, qui comportera «un suivi personnalisé» pour «structurer son activité, […] appréhender l’environnement administratif, […] et élargir son réseau professionnel».

Plus avantageux financièrement, Rebond concernera en revanche moins d’artistes : «25 par an» contre «une centaine» pour l’aide précédente, selon les chiffres du Cnap. En outre, le dispositif semble plutôt orienté vers le développement professionnel des artistes et moins vers le soutien aux plus précaires d’entre eux. Auparavant, le fonds de secours devait permettre de financer des dépenses telles que le loyer, les factures courantes, les achats ménagers. Le Cnap indiquait d’ailleurs dans un dossier explicatif que celui-ci ne devait «pas servir directement [l’]activité artistique».

C’est tout le contraire pour les 4 000 euros attribués par Rebond, qui devront surtout permettre de «dégager du temps de travail» et «financer des coûts de transport, d’hébergement et de per diem dans le cadre de l’accompagnement». Il est vrai que le programme prévoit des sessions de coaching professionnel à travers la France, notamment à Paris ou Marseille. Les artistes sont donc invités à financer avec leur aide ce dispositif auquel ils sont tenus d’assister. Le versement se fera en novembre 2025, et l’accompagnement personnalisé débutera en janvier 2026.

Un énième rabot

Le Cnap justifie ce changement par le fait que le dispositif d’aide d’urgence était «pensé pour être exceptionnel et ponctuel face à des situations structurellement problématiques». D’où le souhait de mettre en place un accompagnement sur le long terme. En outre, il souligne la difficulté d’évaluer des demandes souvent «liées à des situations médicales, sociales ou juridiques extrêmement sensibles sans disposer des compétences et du cadre administratif nécessaires».

Le Snap-CGT déplore de son côté la suppression de l’aide d’urgence, qui, rappelle-t-il, risque de ne pas arranger la situation des artistes-auteurs. Ceux-ci sont déjà précarisés par leur statut qui ne leur permet ni de bénéficier de l’assurance-chômage, ni de faire reconnaître une maladie professionnelle ou un accident du travail. Peu de chiffres récents donnent à voir leur réalité économique, mais l’on sait qu’en 2017, 53 % des artistes ont perçu moins de 8 703 euros de revenus annuels, selon le rapport de la Maison des artistes.

Cette annonce vient également renforcer les inquiétudes des syndicats, qui depuis des mois déjà tirent la sonnette d’alarme au sujet des réformes qui affectent le secteur de la culture. Ceux-ci continuent de se mobiliser à travers la France pour protester contre les coupes budgétaires drastiques dans les collectivités territoriales, la suspension de la part collective du Pass culture ou encore, l’assujettissement à 15 heures de travail obligatoire pour les bénéficiaires du RSA.