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Peinture

Walter Sickert, l’homme aux masques d’enfer

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Précurseur dès la fin du XIXe siècle de Warhol, le peintre britannique fut admiré par Virginia Woolf et Francis Bacon pour son travail avant-gardiste et son rejet radical du classicisme victorien. Le Petit Palais lui consacre une rétrospective mémorable jusqu’au mois de janvier.
«The Iron Bedstead» (1906). (A.C.Cooper/Collection particulière)
publié le 4 novembre 2022 à 12h15

On est au music-hall, à Londres en 1892. C’est l’époque victorienne. Sur le tableau du peintre britannique Walter Sickert, il y a une chanteuse de 22 ans en scène, Minnie Cunningham. L’endroit s’appelle l’Old Bedford. Sur un grand fond brun sombre et nu, dont la jeune femme se détache à peine, un fond de la couleur de son bras gauche et de son visage, elle se tient seule, debout, dans le vide de la toile, les traits à peine perceptibles, face à une grande tache ornementale qu’on devine à peine et qui pourrait aussi bien être un bouquet qu’un démon. Elle a la tête un peu levée, dans une position qui rappelle la Petite Danseuse de Degas. De profil, les yeux quasiment clos, elle chante. Si l’on renversait le tableau d’un quart de tour, ce pourrait être un gisant. Dans d’autres œuvres, les chanteuses ont la bouche entrouverte, comme ces femmes qui bâillent ou s’étirent, saisies dans leurs gestes inconscients de travail ou d’abandon, également par Degas.

Dans un texte écrit en 1934 (1) à la demande de l’artiste devenu vieux («Il est plutôt abîmé, comme une toile craquelée»), Virginia Woolf écrit à propos d’un autre tableau, où apparaît une chanteuse jaune citron : «Il y a un vaste territoire silencieux dans les peinture