Ses initiales forment ART. Athiná Rachél Tsangári doit le savoir mais, punk comme elle s’assume et douce comme sa voix, elle parle moins d’art que de vie, sa vie comme engagement de toute l’âme. Elle pense le cinéma politiquement. Une façon de durer, d’endurer et d’être endurant. Remarquée avec Attenberg en 2010, productrice (entre autres des premiers Yórgos Lánthimos, son compatriote), professeure d’art, voyageuse, complice de longue date de Richard Linklater («mon mentor»), la cinéaste grecque sans attaches fait des films qui ne ressemblent à personne et qui se ressemblent, entre eux, assez peu. Harvest marque dans l’œuvre un saut esthétique, de liberté folle.
Vous dédiez Harvest à vos grands-parents, dont «la ferme est à présent une autoroute».
J’avais cette dédicace en tête bien avant le film d’une certaine manière. Il y a des années que j’avais le désir d’écrire sur la dépossession et l’expropriation, sur cette autoroute qui a détruit en partie la terre de mes grands-parents en Grèce, il y a quinze ans environ, bien avant le projet d’Harvest. J’attendais le bon moment de faire le film. Mais il m’est apparu que je devais sortir de l’aspect biographique et aller vers plus de symbolisme, d’universel. Hors du temps, hors de mon pays, faire une œuvre qui témoigne pour toutes les terres arrachées et perdues. Aussi, quand Joslyn Barnes, qui avait adapté une première version du roman de Jim Crace (1), m’a proposé le p