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Théâtre

Au Festival d’Avignon, des détenus font éclater les murs de «la Casa de Bernarda Alba»

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Dirigée par Enzo Verdet, l’interprétation de la pièce de Federico García Lorca par des détenus du centre pénitentiaire d’Avignon-Le Pontet trace des parallèles saisissants entre ses interprètes masculins et les jeunes filles opprimées qu’ils incarnent.
Lors de la représentation, mention est faite, bouleversante, de l’absence forcée d’un des comédiens, à qui l’administration pénitentiaire a finalement refusé la sortie, et remplacé au pied levé par le metteur en scène lui-même. ( Bing Image Creator)
publié le 4 juillet 2024 à 9h07

Si la présentation d’un tel spectacle est casse-gueule, sa réception l’est aussi. Assister à une pièce de théâtre jouée par des détenus dans le cadre prestigieux du Festival d’Avignon laisse craindre – c’est d’actualité – de voir exposée en pleine lumière une fracture violente entre deux populations, celle sur scène et celle dans le public, qui ne se rencontrent jamais dans la vraie vie. Que peut faire là le théâtre, à part apposer un minuscule et éphémère pansement sur la grande béance de l’enfermement, et nous donner à peu de frais l’illusion de notre bon comportement citoyen ?

C’était sans compter l’intelligence formidable d’Enzo Verdet, metteur en scène et animateur depuis 2015 d’ateliers au centre pénitentiaire d’Avignon-Le Pontet. Pour ce spectacle monté en un mois et demi seulement, il a choisi la Casa de Bernarda Alba de Federico García Lorca, le dernier écrit avant son exécution par les milices franquistes en pleine guerre d’Espagne. D’un glas funèbre à un autre, l’écrivain y campe une famille gouvernée d’une main de fer par une matriarche redoutable qui, sous prétexte de porter le deuil de son mari, cloître chez elle ses quatre filles, toutes en âge de se marier, toutes assoiffées de liberté.

Bouleversante

Aussitôt les lumières baissées, les parallèles éclatent, qui identifient des personnages enfermés chez eux à des détenus, mais aussi qui mettent en miroir le temps troublé que nous vivons et l’arrivée du fascisme espagnol. Pour autant, rien ne colle trop simplement, et c’