Le bonhomme Caillebotte est nonchalant, droit dans ses bottes. Souvent, il a une main dans la poche. C’est un calme célibataire, son costume flotte dans l’air. Mais quel air ? Citadin avant tout, et raréfié. Portant le regard plus que le son, comme si la ville, comme si la vie, même pleine, était vide. Allez le voir à Orsay, en silence et en toute distinction. La réalité est là, dans toute sa fermeté, dans toute son absence. Les femmes aussi, mais pas trop. Ce sont les femmes d’à côté. Ni le chic intelligent de Manet, ni la sensualité épaisse de Renoir, ni le voyeurisme implacable de Degas : du Maupassant éloigné, refroidi, sans vulgarité. Le personnage à moustache et en haut-de-forme au premier plan de Paris, temps de pluie (1877) pourrait être Georges Duroy, dit «Bel-Ami», antihéros arriviste de l’écrivain. Une femme est à son bras. Autour, d’élégants solitaires, qu’ils soient seuls ou en couple, disposés minutieusement dans le champ, comme au cinéma. Le noir domine. Ils attendent : moteur ! Le cri ne viendra pas.
Il y a eu pas mal de cris, pendant la guerre de 1870 et le siège de Paris, deux événements dont le jeune Caillebotte fut acteur et témoin. A l’entrée de l’exposition d’Orsay, à côté d’un célèbre autoportrait saisiss