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Libération
Rétrospective

Au Petit Palais, Ribera éclaire l’ombre aux tableaux

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Dans une formidable première rétrospective en France consacrée au plus sauvage des héritiers du Caravage, le Petit Palais expose les corps et «gueules» naturalistes à la violence brute du natif d’Espagne.
«La Femme à barbe», 1631. (Museo Nacional del Prado)
publié le 2 décembre 2024 à 16h33

On a peu d’occasions de voir une femme à barbe. Celle qu’a peinte en 1631 Jusepe de Ribera, avec son mari et son bébé tétant un sein gonflé à bloc, n’a rien d’une créature de cirque, ni d’un artiste transformiste : ce qu’on voit à travers elle, en elle, c’est notre destin et notre solitude. Le tableau a été peint à Naples, la ville où l’artiste, né à Valence en 1591, devint riche et célèbre, la ville où il mourut en 1652 sans avoir jamais revu son pays natal. Ses rudes châteaux en Espagne, c’est en Italie que ce fils de cordonnier les trouva. Sa femme à barbe est un homme, son homme à barbe est une femme : tout l’un, tout l’autre. Aucun tableau de celui qu’on surnommait «l’Espagnoletto», le petit Espagnol, ne montre avec plus de force et de tranquillité la nature profonde de son travail : faire entrer le maximum de réalité dans un monde dont la représentation est déterminée par des grilles intellectuelles et mythologiques. Il n’est ni le premier ni le seul : Caravage et ses héritiers ont, chacun à sa façon, creusé cette trouée naturaliste. Ribera le fait avec une violence brute, à peine stylisée. C’est la misère et le naturel espagnols dans les rues de Rome, puis de Naples. Ici, à travers une Sainte Famille.

La femme à barbe s’appelle Maddalena Ventura. Une inscription gravée sur la pierre à sa droite précise qu’elle a 52 ans : elle a eu un enfant à la cinquantaine. Ell