Il y a les somptueuses toiles peintes qui glissent en un rien de temps, et laissent apercevoir quelques silhouettes mouvantes et énigmatiques aux fenêtres des immeubles comme dans un vis-à-vis lointain ou passant dans la rue. Des hologrammes ? Non. Mais une technologie qui se fond parfaitement dans le geste artisanal de la peinture, un usage de l’incrustation vidéo quasi imperceptible, qui ravivent des fantômes de cette terrible année 1917 inaugurale. Il y a la superposition des voiles qui gonflent et se font parfois surface de projections vacillantes, et le velours grège, tapis de neige scintillant qui recouvre le profond plateau. Il y a la beauté des ciels et des crépuscules, et une précision de tout ce qui d’ordinaire semble aléatoire : les mouvements du brouillard par exemple. Et la poésie des trois Babayaga qui traversent périodiquement l’espace avec leur lampe à pétrole pour ponctuer la narration, tel un chœur antique. Et il y a surtout l’ambition gigantesque et une foi au théâtre qui ne l’est pas moins : celles de comprendre et de faire saisir par les moyens de la scène les origines du totalitarisme tel qu’il s’exprime aujourd’hui. Ou plus précisément : qu’est-ce qui fabrique la tentative d’asservissement et de destruction d’un pays comme l’Ukraine au XXIe siècle ? D’où proviennent la possibilité et la pérennité d’un dirigeant tel que Poutine ? On le sait, Ici sont les dragons, sous-titré 1917, la victoire était entre nos mains,
Théâtre
Au seuil des siècles, «Ici sont les dragons» d’Ariane Mnouchkine
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Le spectacle symphonique orchestré par Ariane Mnouchkine provoque une pelote d’émotions contradictoires. (Lucile Cocito/Archives Théâtre du Soleil)
par Anne Diatkine
publié le 6 décembre 2024 à 17h37
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