Le premier mérite de Thérèse et Isabelle, créé au Phénix, la scène nationale de Valenciennes, est de faire entendre la langue de Violette Leduc, écrivaine autant reconnue et considérée de son vivant par ses pairs – Simone de Beauvoir, Jean Genet, Jouhandeau, Jean-Paul Sartre – que méconnue aujourd’hui. Le deuxième, plus paradoxal, est de nous faire percevoir combien une adaptation scénique d’une langue aussi singulière et inventive soit-elle qui contient de multiples scènes érotiques ne va de soi, surtout lorsqu’on prend partie d’incarner les passages. Il y a un risque d’illustration mais surtout de redondance. Ce risque de surlignage, Marie Fortuit, dont Thérèse et Isabelle est le troisième spectacle, après l’un, la Vie en vrai, hommage à Anne Sylvestre, et l’autre d’après Jelinek, ne l’évite pas toujours. Est-ce grave ? On verra bien.
Perruque à frange
Cette langue, Violette Leduc la pratique dans des récits de soi – l’autofiction n’était pas encore une catégorie – comme dans ses lettres, et elle écrivait comme elle aimait, sans filtre, avec une grâce dans la concision y compris quand l’écriture est en prise directe avec les sentiments. Violette Leduc ou l’art des incipit : «Ma mère ne m’a jamais donné la main.» C’est le début de l’Asphyxie, son premier récit, publié par Gallimard en 1946, grâce à de Beauvoir. Ou encore, ces premières phrases de la Bâtarde, son livre le plus connu paru en 1964 : «Mon cas n’est pas unique : j’ai peur de mourir et j