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«2001 Night Stories» de Yukinobu Hoshino, étoiles de maître

Kitsch, majestueux et touchant, le chef-d’œuvre SF longtemps passé sous les radars est réédité en grand format serti de pages couleur.
Extrait de «2001 Night Stories». (Glénat)
publié le 8 octobre 2023 à 10h49

Il y a d’abord le gigantisme du dessin. Son côté monumental, cohérent et fracturé. Un classicisme transformé au contact du langage de la bande dessinée japonaise. De l’hyperréalisme fuyant, capable de muer en tableaux presque abstraits une fois mis en cases et en doubles pages. Il y a ensuite la réalisation que la narration est en parfaite adéquation avec ces tableaux, et que la multitude de chapitres «nuits» qui structurent le grand œuvre de Yukinobu Hoshino compose elle aussi un conte plus grand, cohérent et fracturé. 2001 Nights Stories est un secret de polichinelle que les amateurs de bande dessinée japonaise se refilent depuis sa parution en France, il y a plus d’une décennie, dans une coûteuse édition collector très rapidement épuisée et sujette, depuis, à toutes les spéculations.

C’est la grande bande dessinée de science-fiction japonaise passée sous les radars. Aux côtés de la trinité Katsuhiro Otomo (Akira), Mamoru Oshii (Ghost in the Shell) et Yukito Kishiro (Gunnm), il y a Hoshino et son absurde projet de donner une suite à 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. En vérité, l’envie d’explorer une métaphysique de l’espace, de creuser l’espèce humaine après l’avoir jetée en terrain hostile. Hoshino imagine des sommets diplomatiques perchés dans les étoiles, des couples d’androïdes veillant une progéniture nombreuse expédiée dans le temps. Il imagine un dialogue entre le pape et les nébuleuses, regarde la solitude de machines lancées dans le vide («mon nom est fusée») tandis que les humains, eux, se noient dans la contemplation des océans bleus et sans fond des météores.

L’hyper réalisme des visages se coule dans des pages pleines de triangles, de sphères, dans une mise en abyme de formes dessinées et découpées. Kitsch, majestueux et touchant, ce chef-d’œuvre écrit entre 1984 et 1986 ne saurait se conformer au classique format poche qui règne en maître dans la bande dessinée japonaise. A plus de 30 euros le volume, grand format cartonné avec des pages couleurs (la série en compte deux), 2001 Nights Stories passera probablement au large d’un lectorat attaché à des tomes à 8 euros. Peu importe, en pleine folie manga et à l’heure où les influenceurs aiment tordre l’histoire de la bande dessinée japonaise afin qu’elle colle mieux aux goûts du moment, le seul fait de rendre accessible les immanquables du patrimoine est plus essentiel que jamais.

2001 Nights Stories, version d’origine de Yukinobu Hoshino, traduction Djamel Rabahi, Glénat, 354 et 436 pp., 32 euros le tome.