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Libération
Rencontres du 9e art

A Aix, une BD et une expo sur le vol de précieux Cézanne

A l’occasion de l’année aixoise consacrée au peintre, la BD colorée et foutraque «le Mystère Cézanne», déclinée en expo, revient sur la disparition de huit de ses tableaux en 1961, étrangement retrouvés un an plus tard.
Des tableaux ont mystérieusement disparu la nuit du 12 au 13 août 1961.
par Stéphanie Harounyan, correspondante à Marseille
publié le 16 juillet 2025 à 12h48

Une conservatrice de musée au sommeil trop profond, un chien de gardien sourd, des toiles inestimables volatilisées, puis finalement retrouvées un an plus tard à Marseille suite à un appel anonyme, dans le coffre d’une Peugeot 404. L’histoire, acrobatique mais authentique, du vol de huit tableaux de Cézanne dans la nuit du 12 au 13 août 1961, en pleine exposition aixoise du maître, valait bien un polar. C’est l’autrice Camille Lavaud-Benito qui mène l’enquête, déclinée en bande dessinée et en exposition fraîchement installée à Aix-en-Provence dans les jardins du Pavillon Vendôme, à l’endroit même où le vol a été commis. Double mise en abîme : dans le cadre de l’année Cézanne, la superbe bâtisse du XVIIe siècle accueille, elle-même «l’Expo des expos», documentant les deux précédentes rétrospectives consacrées au peintre – dont celle de 1961 – dans la ville où il vécut quarante ans.

Couverture d’un «Fantômette»

C’est sur mandat groupé du musée et des Rencontres du 9e art, festival de bande dessinée aixois, que Camille Lavaud-Benito s’est lancée dans l’enquête. Fouiller, c’est sa matrice, une nécessité avant de débrouiller son fil narratif. Elle avait déjà écumé les archives de Dordogne, sa région natale, pour son premier album, la Vie souterraine, prix révélation au festival d’Angoulême il y a trois ans. Pour le vol des Cézanne, elle a retourné durant des semaines les archives municipales aixoise et marseillaise, celle de la police – bien minces : les voleurs n’ont jamais été retrouvés –, celles des journaux, a vu des tonnes de polars de l’époque… Ce n’est que faute de ressource que l’autrice bascule dans la fiction ou dans la théorie – la sienne : le vol des Cézanne aurait été commandité par le même réseau que celui à l’origine de nombreux vols d’œuvres sur la Côte d’Azur les mois précédents. «J’aime me paumer, confirme l’autrice. Ce process de recherche me mène au scénario. C’est 110 % du travail, le temps du dessin à côté, ce n’est pas grand-chose.»

Les planches s’éclatent pourtant, colorées et volontairement foutraques, où dialogues et éléments factuels ou de contexte se répondent façon «story-board de film». Le travail préalable d’archive se lit dans les mille détails semés, comme ces intérieurs de maison – parfois imaginés à partir de plans d’architecte – ou le choix des chansons sifflées par la radio, hits d’époque. Certaines cases reproduisent même à l’identique des photos glanées dans les dossiers, comme la séquence, hallucinante de décontraction, de l’arrivée à Aix des chefs-d’œuvre, prêtés par de grands musées internationaux ou de riches collectionneurs privés, avec pour seule protection le vigile et son fameux chien sourd… Ailleurs, la précision va se nicher jusqu’à la couverture d’un Fantômette feuilleté par un malfrat, nouveauté littéraire de cette année 1961.

La référence à la justicière masquée culmine sur la une, jaune et noire, du journal édité par les Rencontres du 9e art. L’objet collector, qui reprend les 24 planches de l’expo, est distribué gratuitement aux visiteurs du Pavillon Vendôme et dans divers lieux de la ville le temps du festival.

«Le Mystère Cézanne», jusqu’au 28 septembre dans les jardins du Pavillon Vendôme à Aix-en-Provence, dans le cadre des Rencontres du 9e art. bd-aix.com