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Bande dessinée

BD : «Bouquet de peurs», la frayeur de vivre

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De souvenirs d’enfance en visions angoissées, Nando von Arb plonge le lecteur dans la spirale d’une existence régie par la crainte du pire.
Personnage central du livre, la peur est capable de prendre mille visages, de se fixer sur mille problèmes.
publié le 5 avril 2025 à 14h08

Bouquet de peurs s’ouvre sur une collection de souvenirs disloqués, piochés dans l’enfance. Un bébé qui tombe d’un peu trop haut pendant que ses parents s’engueulent. Une bataille pour de faux avec un copain qui finit avec un bâton dans l’oreille. Une journée au parc aquatique qui s’achève avec le visage ensanglanté. L’introduction se referme sur un portrait terrible du petit à mi-chemin entre l’écorché et le cours d’anatomie pour apprentis boucher où la liste des morceaux de viande serait remplacée par une géographie des maux. Fracture du cou, surdité, ulcère, cancer de l’intestin, cirrhose, parkinson, névrose obsessionnelle, hémorroïdes. A mesure que la liste s’allonge, elle révèle la véritable nature du propos de la seconde bande dessinée du Suisse Nando von Arb (après le beau Trois Papas, déjà sur le regard de l’enfance) : il ne s’agit pas ici de parler de ce dont on a souffert, ou de ce dont on souffre, mais de ce dont on est persuadé souffrir. L’existence d’un écart entre le réel et la perception de celui-ci n’ayant pour autant rien d’apaisant.

Le langage même du livre repose sur un travail de dérèglement. Tandis que sur les pages s’étalent des formes géométriques, simples, rondes, qui appartiennent au langage commun du dessin tel qu’on le pratique au plus jeune âge, le narrateur se demande : «Depuis quand je ne me sens plus comme un enfant