«Et alors ? Où est-il le sac où tu voulais mettre tout Paris ? Quel animal tu fais !» En 1927, Dalí est au début de sa vingtaine, dans la capitale française depuis peu, au comble du découragement : aucune femme ne s’intéresse à lui, «chien en chaleur» hanté par des «fantaisies érotiques» mais mortellement timide. A force d’œillades ignorées et de larmes amères, il attrape une angine, et tire, à la fin de ce paragraphe niché au milieu de son autobiographie la Vie secrète de Salvador Dalí, cette leçon : «Chaque fois que l’on veut mettre quelque chose dans un sac et que l’on n’y parvient pas, on tombe malade. Ceux qui dominent la situation ne tombent jamais malades.» En couverture du Dalí de Julie Birmant et Clément Oubrerie, le jeune artiste au regard fiévreux surplombe la ville, translucide et songeur, comme accablé par le poids de son énorme besace qui contient la tour Eiffel et le Sacré-Cœur.
«Raconter la lose»
Sous-titré Avant Gala, l’ouvrage récemment sorti chez Dargaud est le tome 1 d’une trilogie en cours de fabrication, ou, en des termes moins cliniques, le premier fruit d’un vibrant ménage à trois entre la scénariste Julie Birmant – dont on apprenait jeudi qu’elle remporte le prix Goscinny du meilleur scénario pour ce premier tome –, le dessinateur Clément Oubrerie et le génie autoproclamé Salvador Dalí. C’est autour d’un autre colosse que les deux premiers entamaient, il y a une dizaine d’années, une exaltante collaboration artistique : P