«Une sorte de gymnastique hygiénique et progressive qu’il convient de jouer tous les matins à jeun», c’est ainsi que Debussy décrivait son Doctor Gradus ad Parnassum, première pièce de sa suite Children’s Corner, à son éditeur. Cette «montée au Parnasse», composée pour affûter (tout en s’amusant) la dextérité au piano de sa fille Chouchou, s’y fait par un colimaçon virevoltant de doubles croches où le clavier devient patinoire, où les mains jouent à saute-mouton. Un élan similaire traverse Mandoline, première bande dessinée de l’autrice, graphiste et illustratrice Pia-Mélissa Laroche à paraître chez un éditeur et non sous forme de fanzine. Le fil conducteur en est une mélodie à la texture changeante qui peut se couler aussi bien dans les lacets d’une paire de chaussures que dans la chair d’une coquille Saint-Jacques, qui se métamorphose et se cache, accélère et ralentit, virtuose et joueuse, parfois hachée en une multitude de cases, parfois laissée libre sur une page ouverte, mais toujours présente.
Mandoline a beau être une bande dessinée muette, c’est-à-dire sans paroles ni bulles, elle n’en est pas moins formidablement sonore ; elle a beau être une bande dessinée sans histoire, elle n’en est pas moins haletante. Partant d’une nature morte kitsch – dans un cadre en touches de piano, une mandoline recouverte de grappes de raisins – l’autrice progresse en cadavre exquis, se sert d’un détail pour avancer : le raisin devient cerise qui devient