Tandis qu'une part non négligeable de la population retient son souffle avant l'arrivée de l'ultime saison de Game of Thrones, à la fin de l'hiver, on peut dire sereinement que c'est bon, on a déjà eu notre shot d'heroic fantasy pour l'année avec Boule de feu. Ici, Jon Snow s'appelle Fernando et est un chien à salopette. Borderline crétin, c'est pourtant lui que convoque le mage Pueblo, grenouille à chapeau pointu qui l'expédie dans le monde des hommes avec la mission de ramener par le colback le sage Patrix, seul à même de rallumer la flamme de la boule de feu qui protège le village des invasions barbares.
Fernando ira, verra, et embarquera avec lui Didier, imper brun sur survêt Adidas rouge, dont l’aura brille de mille feux (en réalité, le pauvre hère sort juste d’un magasin de luminaires). En chemin, il faudra péter la gueule à quelques «chevoules» ailés aux mœurs dignes des Lannister.
Complément idéal à la découverte de l'intégrale de Yoshiharu Tsuge vantée plus tôt dans ces pages, Boule de feu donne dans la bande dessinée crétine, mais d'auteurs. Si l'on connaît bien le travail d'Anouk Ricard, comme agitatrice de livre jeunesse, auteure porno ou distillatrice de faits divers, son trait bonhomme se trouve ici comme relevé par le mix magique de photos à l'ultraréalisme kitsch qu'Etienne Chaize tapisse en décor. Une esthétique très la Foire fouille, entre canapé marron, couvre-siège en billes de bois et château de Skeletor, le tout uni par la puissance magique de l'aérographe.
Dans une jubilation communicative, le livre convoque le souffle épique de Tolkien pour le mettre à l'échelle Schtroumpfs, il convertit la démesure des sauvages huilés de Frank Frazetta en Petits Malins pas futés. Chez Ricard et Chaize, le vert, le rose et le violet deviennent les meilleurs amis du monde et semblent inséparables. Boule de feu,c'est une magnifique ode à ce collègue qui se balade, la tête haute, avec un tee-shirt tête de loup sur nuit d'orage. Et dieu sait qu'on l'aime, ce collègue.