Le 5 août 1976. Jean-Louis Tripp a 18 ans. Il est en vacances avec sa famille et sa petite amie en Bretagne. Ils se déplacent sur une départementale de campagne, en roulotte à cheval et à vélo. Ambiance champêtre, summer of love. Son petit frère, le plus jeune, Gilles, va avoir 12 ans en novembre. Il est assis à côté de lui, le regardant tenir les rênes. Il chante du Michel Fugain, «le printemps est arrivé, sors de ta maison», comme une casserole. Il bouge et chahute : normal à son âge. L’ado décide de rejoindre sa mère, en descendant du mauvais côté de la roulotte, celui de la route. Jean-Louis Tripp veut l’en empêcher, ne le sermonne pas assez. Une voiture passe à toute berzingue, Gilles valdingue sur le bitume, le chauffard s’enfuit. Gilles se vide de son sang, la bouche encore violette des myrtilles qu’il venait de manger, les secours mettent trop de temps à arriver. Gilles meurt.
Près d’un demi-siècle plus tard, le dessinateur Jean-Louis Tripp, passé par Métal hurlant, connu pour sa série avec Régis Loisel, Magasin général, qui se déroule au Québec, ou le récit précis de sa vie sexuelle (Extases), dévoile en détail ce drame intime et absolu qui a bouleversé sa vie et celle de sa famille. Dans le Petit Frère, publié chez Casterman, principalement en noir et blanc, l’auteur revient dans son style réaliste délié sur les moments de la mort, puis, l’effarement, le déni, la tristesse, la colère, l’acceptation. La scène de l’enterrement