«Le 9e art est désormais un poids lourd de l’édition française», se félicitait cette semaine le ministère de la Culture dans un article tout en dynamisme sur cette 51e édition du Festival d’Angoulême présidée par Riad Sattouf, récompensé du grand prix l’an dernier et très gros vendeur dans le paysage de l’édition indé. Comme les années passées, le festival est l’occasion de publier les résultats de l’étude de marché menée par l’institut GfK et dévoilés hier au cours d’une conférence de presse. Les chiffres de 2023 viennent confirmer une tendance déjà constatée l’an passé, à savoir que depuis 2021, année de sortie de Covid où les ventes de bandes dessinées ont atteint le record de 87,2 millions d’exemplaires sur un an, ce nombre a baissé deux ans de suite, passant à 75 millions en 2023. Une baisse que connaît aussi le reste de l’Europe et qui n’en est plus une si l’on compare avec les ventes pré-Covid : en 2019, 48,4 millions d’exemplaires étaient vendus, ce qui revient donc à une croissance de 55 % en quatre ans.
Le prix des BD a connu l’an dernier une hausse particulièrement importante : 8,4 euros en moyenne pour les mangas (+6 %, contre +2 % l’année précédente), 11,8 euros pour les BD jeunesse (+3 %), 19,1 euros pour les BD de genre (+3 %) et 17,2 euros pour les comics (+28 %). Les chiffres de ce que GfK appelle les «champs transversaux», où sont rangés notamment les romans graphiques, la BD patrimoniale (pré-1983) et la mystérieuse zone des «Autres», n’ont malheureusement pas été détaillés.
La saga «Astérix» en tête des ventes
Dans le top 10 des ventes, loin devant les ultra-populaires séries One Piece et Mortelle Adèle, le podium se partage entre le Monde sans fin de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici (233 000 exemplaires) et les bons élèves Gaston (498 000 pour le Retour de Lagaffe) et Astérix (1 614 000 pour l’Iris blanc), dont le rapport se félicite qu’ils «dynamisent le top 2023». Le manga représente toujours plus d’une BD vendue sur deux, même si les ventes ont énormément reculé l’an dernier : -18 % par rapport à 2022, ce qui correspond à 40 millions d’exemplaires vendus. Mais là aussi, la baisse est à mettre en perspective avec le quasi-doublement en valeur du manga entre 2020 et 2021. Dans l’ensemble, sur les quatre dernières années, le nombre d’éditeurs ne cesse d’augmenter, passé de 600 à 710 depuis 2019, et de plus en plus de nouveautés sont publiées : 6 700 bandes dessinées ont vu le jour en 2023, contre 5 500 il y a quatre ans.
On prendra ces résultats avec le flegme de Lorenzo Mattotti, invité par le festival à imaginer une exposition autour de la course à pied dans le cadre des Jeux olympiques : mal à l’aise avec la grandiloquence, il confiait, devant une série de dessins consacrés à des porteurs de flamme olympique, avoir eu beaucoup de mal à trouver une façon de représenter ce motif. «J’avais peur de tomber dans la rhétorique triomphale, expliquait-il, alors j’ai dessiné la flamme ironiquement, comme un simple cône, tout bête. C’est une petite lumière, pas triomphale du tout, qui passe partout, dans la nuit, à travers les ruines. Elle est antihéroïque.» Rachida Dati devrait visiter samedi 27 janvier cette expo, dont la belle bande-son minimaliste couvrira, au moins pendant quelques minutes, la rengaine du «dynamisme du secteur».