Le héros est maigre et voûté, en équilibre fragile sur une poutre au milieu d’un paysage ravagé par une inondation. L’ampleur des dégâts se mesure en déshabillant le livre : ce grand format souple est protégé par une jaquette qui invite à ce qu’on la déplie et révèle, une fois mise à plat, une impressionnante vue aérienne des environs (94x60cm, un poster d’enfer). Un village ou ce qu’il en reste, un fleuve sorti de son lit, brunâtre, quelques voitures retournées dans son sillage, et au loin, se confondant avec quelques traînées de nuages, une cheminée de réfrigération, deux éoliennes. La petite silhouette émaciée qui traverse le sinistre porte un manteau rouge, une mitre et une crosse à pleine plus épaisse qu’un cheveu – mais que fait Saint-Nicolas dans ce merdier ?
Thierry Van Hasselt, auteur de BD belge, expérimentateur tout terrain et cofondateur de la curieuse maison d’édition FRMK, s’est emparé du saint personnage pour lui faire arpenter le monde contemporain. Selon la légende, particulièrement bien connue en Lorraine et dans les pays voisins où Saint-Nicolas, célébré le 6 décembre, est un sérieux concurrent du père Noël, trois enfants égarés en forêt auraient été abattus puis transformés en petit salé par un infâme boucher, heureusement confondu par le sympathique évêque qui passait justement par là avec son âne et, coutumier des miracles, s’empressa de ressusciter les enfants. «Saint-Nicolas, le patron des gosses, revient, et il n’est pas content !» ironise l’au