Les Pigments sauvages s’ouvre sur une scène d’amibes parfaitement nébuleuse, description d’un état de nature où de petits êtres unicellulaires mangent avant d’être mangés à leur tour. Quatre pages qu’on parvient difficilement à relier au récit qui lui fait suite et débute par un «En ce temps-là». L’histoire d’une colonie de bébêtes cheloues, les lémures, qui entre, nous dit-on, dans sa phase terminale. Espace parfaitement agencé avec son roi, ses gardiens, ses castes et des couleurs de peau qui correspondent à chacun, le royaume tremble lorsque surgit un géant.
Têtes de pioches
Systématiquement composées autour d’un dessin en une case surmontée d’un cadre qui figure une forme de muraille dressée face à la barbarie du monde extérieur, les pages de ce territoire parfaitement ordonné volent soudain en éclats. De l’attaque naît un fracas de cases morcelées, expédiées aux quatre coins des double-pages au gré de la bataille. Dans un livre qui n’aura de cesse de nous montrer à quel point forme et fond fonctionnent en parfaite collusion, la violence constitue l’acte fondateur de la séquentialité, et donc du récit. Il faut d’ailleurs un peu de temps pour parvenir à cerner la nouvelle bande dessinée d’Alex Chauvel. Le livre sait très bien où il va, si bien d’ailleurs qu’il ne prend pas de gants avec son lecteur.
Quand la poussière retombe et que vient le temps de recoller les morceaux (littéralement), le pouvoir a changé de mains. C’est là qu’Alex Chauvel nous présente enfin ses héros. Tro