«Cet article a été publié dans le cadre du “Libé tout en BD”, le numéro de Libération entièrement illustré par des dessinatrices et des dessinateurs à l’occasion de l’ouverture du 49e festival de la bande dessinée d’Angoulême. Retrouvez tous les articles de cette édition ici, et le journal en kiosque ce jeudi.»
Quitte à tous vivre à côté de la plaque, autant la regarder. Scruter vraiment ces morceaux de zinc bleu et blanc qui pullulent et nomment chaque rond-point, place ou parc : voilà ce à quoi s’attelle Laurent Lolmède. Cette grande figure du fanzinat (c’est lui qui a initié Gilles Rochier à la BD) précise son projet en se concentrant sur les noms communs qui guident nos déambulations citadines. Qui sont-ils ? A quoi ressemblent-ils ? Et que sont-ils devenus ? Qu’on n’aille pas s’imaginer que ces Portraits de rues cachent une quelconque tentative d’édification du lecteur en sortant de l’ombre des femmes et des hommes culottés, au destin exceptionnel et méconnu. Lolmède ne délivre pas des médailles en chocolat, il regarde, s’amuse. Il habite l’espace de la cité Jacqueline-Auriol de Coulounieix-Chamiers (près de Périgueux), où il est accueilli dans le cadre des résidences Vagabondage 932. Là-bas comme partout, on trouve des Nelson Mandela, des Salvador Allende et des Albert Camus à chaque coin de rue.
Mais pour eux comme pour les autres, plus obscurs, le dispositif est identique : un portrait de l’immortel en page de droite, dont la biographie est esquissée en quelque 200 mots (une gageure, parfois), tandis que sur la page de gauche l’auteur dessine la vie in situ de leur plaque. Jean Macé vit aujourd’hui près d’un arbre nu, non loin d’un local électrique. Gustave Eiffel pointe la direction d’Emmaüs, comme Jean Moulin d’ailleurs. Heureux hasard, Mandela trône à côté d’un panneau d’affichage libre. A côté de ces géants, sans hiérarchie, des figures locales : Honoré Faure et André Jeandaine, deux ex-présidents (de l’assemblée des locataires), dont on découvre le visage, la passion pour le foot et le vélo. Un autre portrait de la vie en périphérie, pas si éloigné du beau documentaire d’Alice Diop, Nous.