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Libération
Libé tout en BD

«Merel» de Clara Lodewick, vil de campagne

«Libé» tout en BDdossier
Pour son premier album, l’autrice belge raconte avec subtilité la mise au ban cruelle d’une quadragénaire dans un village flamand.
Sans mari ni enfants, Merel élève des canards dans un village en lisière de forêt. (Dupuis. Les Ondes Marcinelle)
publié le 26 janvier 2023 à 4h59

Cet article est publié dans le cadre du «Libé tout en BD», entièrement illustré par des dessinateurs et dessinatrices à l’occasion de l’ouverture du 50e festival d’Angoulême. Retrouvez tous les articles de cette édition ici, et le journal en kiosque ce jeudi 26 janvier.

Fin août 2022, Dupuis lançait une nouvelle collection, les Ondes Marcinelle, et c’est à la Belge Clara Lodewick, 26 ans, qu’est revenu l’honneur d’être la première publiée sous ce label dédié aux romans graphiques de jeunes auteurs. C’est quelque part en Flandre qu’elle installe sa première bande dessinée, dans un village dont seuls d’infimes indices – une promotion sur la vitrine d’un coiffeur, la forme d’un clocher – localisent un territoire, mais ce pourrait être n’importe quel petit bled reculé en lisière de forêt, dans n’importe quel pays, à n’importe quelle époque. Une femme, Merel, dans la deuxième moitié de sa quarantaine, sans mari ni enfants, un peu rentre-dedans, y élève des canards tout en pigeant pour le journal local. Elle écrit régulièrement sur le club de foot du coin et finit volontiers la journée en éclusant des pintes avec les joueurs, une camaraderie qui ne pose de problème à personne jusqu’au jour où Merel, par une allusion légèrement graveleuse, heurte la sensibilité d’une épouse, Suzie, en pleine crise conjugale.

De là naît une fine traînée de fiel, très discrètement d’abord, répandue l’air de rien par Suzie – Merel n’est pas recommandable, Merel cache bien son jeu, ne t’approche pas de Merel… – et qui finit par gagner tout le village, dont la «sorcière» se retrouve peu à peu mise au ban sans trop comprendre ce qui lui arrive. Un dérèglement banal que le style graphique paisible de l’autrice, tout en rondeurs, gouache délicate, cases régulières, rend d’autant plus effrayant. Dans cette campagne où tout se sait, les émotions sont rentrées et ne se devinent qu’à d’infimes variations, le mouvement d’un doigt sur un calepin, des cernes qui se creusent, autant de détails pour lesquels l’autrice, qui a elle-même passé son adolescence dans un petit village flamand après une enfance citadine, fait preuve d’une immense sensibilité.

«Merel», de Clara Lodewick, éd. Dupuis, collection les Ondes Marcinelle, 160 pp, 24 €.